L’Hymne de Riégo
Presented here is the full article “L’Hymne de Riégo” published in Revue de Paris, January 7, 1865 (pages 105-134). It is an written by Philbert Audebrand based on an encounter with Huerta around 1860. The portion regarding Huerta’s time in America is part of my article “Huerta in America” published by the Guitar Foundation of America in Soundboard Volume 50, numbers 3 and 4. See my other article for earlier Huerta biographical articles.
Voilà dé cela quatre ou cinq ans, un soir d’hiver, j’étais allé voir mon excellent ami Charles Philipon dans ce cabinet de la rue Bergère, dont les murs sont encore, à l’heure qu’il est, tapissés de tant d’œuvres originales une grande mascarade politique de 1831, signée du nom de Grandville, les premières femmes que Gavarni ait fait tomber de son crayon, les premiers dessins d’Henri Daumier, les premiers tableaux de Gustave Doré, mieux que tout cela, les premiers manuscrits d’H. de Balzac, et vingt autres curieux monuments de l’art contemporain. C’était dans cette arrière-pièce d’un bureau de journal que le spirituel fondateur de la Caricature racontait avec une verve toujours juvénile, en dépit de ses cinquante ans, tant d’épisodes qui se rapportaient à l’histoire de la presse pendant la monarchie de Juillet. Journaliste du lendemain de 1830, Charles Philipon avait vu sortir de dessous les pavés et disparaître bien des grandeurs. Choyé par l’opinion, poursuivi à outrance par le parquet, il était allé vingt fois d’une fête de salon à une cellule de Sainte-Pélagie, et, sur sa route, il avait pu recevoir une fraternelle poignée de main de toutes les célébrités du jour ; parfois même il eut à faire une halte à la geôle pour entendre un mot flatteur des ministres qui venaient do le faire arrêter. Nul ne pouvait se vanter de connaître aussi bien quo lui les acteurs de la comédie sociale. « Je les ai si souvent vus dans la coulisse, » disait-il, en accompagnant ses paroles d’une petite toux ironique et pleine de finesse. On sait, au reste, que sa causerie abondait en traits nombreux et inattendus. Aussi s’empressait-on de prêter l’oreille à tout ce que pouvait avoir à dire un causeur si charmant.
Le soir dont je parle, au moment où j’entrais, comme Charles Philipon était en train d’achever une lettre, il me fit signe de la main de m’asseoir à côté d’un petit homme qui s’endormait familièrement au coin du feu, entre les bras d’un fauteuil.
— Tenez, ajouta-t-il, en attendant que j’aie fini, tirez ce garçon-là par la manche de son habit et causez avec lui. — Mais voyant que j’hésitais à faire ce qu’il me recommandait, il s’arrêta tout à coup d’écrire, et, en haussant quelque peu la voix : — Eh! eh ! dit-il, réveillez-vous donc, Huerta, et causez; voilà un ami.
Ce nom, qu’il venait de prononcer d’une manière si sympathique n’était pas pour moi un assemblage de syllabes inconnues. Je savais que, sans être entouré d’un bien grand éclat, il jouissait néanmoins du bénéfice d’une réputation européenne. « Huerta est le meilleur musicien de l’Espagne moderne. » C’était là une des formules d’éloge que j’avais retenues. Il y avait, en outre, pour ma mémoire, cette circonstance bizarre que, dans la petite ville du Berri où j’ai été élevé, ayant été à même de voir de près les officiers proscrits de l’armée constitutionnelle espagnole, ce même nom avait souvent frappé mes oreilles. Certaines choses dorment trente années de suite pour s’éveiller tout à coup avec une étonnante brusquerie. Un de ces soudains mouvements de la pensée se manifestait en ce moment au-dedans de moi-même.
— Comment ! m’écriai-je en me tournant du côté du dormeur, est-ce avec le musicien Huerta, avec l’auteur de la Marche de Riégo, que j’ai l’honneur de me rencontrer ?
J’avais à peine fini, que le petit homme, faisant visiblement un effort sur lui-même, releva la tête, rouvrit les yeux et répondit d’un ton plein d’enfantine naïveté :
— Oui, monsieur mon nouvel ami, je suis bien celui que vous dites.
On a beau vouloir dégager son esprit des principes si peu sûrs de cette méthode, quelques-uns disent de cette rêverie de Lavater, qui se flatte d’indiquer des rapports intimes entre le physique et le moral, il n’y a pourtant pas moyen de se soustraire à l’empire, de certaines impressions. « Quelles grosses mains à l’homme qui jouait tout à l’heure au whist avec moi ! disait un prince russe.
— Ah ! Monsieur, répliqua la maîtresse de la maison, vous allez bien vite avoir une autre opinion sur ces mains-là. L’homme e qui jouait aux cartes avec vous n’est autre que Redouté, le peintre des roses. » — Quant à moi, pour en revenir à notre histoire, je ne pouvais que difficilement retrouver dans l’étranger le Rouget de Lisle des Espagnols. Pour nous autres d’ailleurs l’Hymne de Riégo n’avait pas été qu’une Marseillaise. En descendant de la cime des Pyrénées, au moment où la France entrait dans une ère de rénovation littéraire, cette vive cantate avait bien aussi quelque chose d’une manifestation romantique. Bien mieux, on la confondait volontiers avec les strophes du Romancero, que M. Émile Deschamps venait de mettre à la mode. Dans les idées d’alors, toutes tournées du côté d’une valeureuse extravagance, l’artisan d’une pareille mélopée ne devait être qu’une nature d’exception, une figure byronienne, un être surhumain Tyrtée fondu avec Lara. On était porté à le supposer grand, pâle, fatal, amoureux de la lutte et du mouvement, un don Quichotte ennemi des rois et hostile aux Académies. Au lieu de cette vision, imaginez une tête bourgeoise posée sur un corps trapu et entourée d’une barbe monacale. Dans les yeux, pas un éclair ; sur les lèvres, à peine un sourire. Le ton de la voix était trainard et presque enfantin.
J’étais sur le coup d’une profonde désillusion.
— Causez donc ! nous disait Ch. Philipon, qui écrivait toujours.
Il est des surprises contre lesquelles il faut savoir réagir. Au bout de cinq minutes, nous nous étions mis à parler d’art et d’histoire, et ce petit homme que j’avais vu, il n’y avait qu’un instant, endormi, comme Homodéi feint de l’être au premier acte d’Angelo, tyran de Padoue, cet Espagnol, d’une structure si peu poétique en apparence, se précipita dans un babil que rien ne pouvait plus contenir.
— Ah ! vous avez connu le pauvre capitaine Albénitz ! s’écriait-il. Eh ! touchez là, amigo ! Puisque vous avez été l’ami de mon ami, vous êtes mon ami. Savez-vous qu’il a été condamné à mort trois fois, et mis en chapelle au moins une ? Nos Bourbons ne badinaient pas. Il s’est sauvé cinq minutes avant l’exécution, je ne sais plus par quelle intervention du diable. Ah ! si, ce devait être par le fait d’une femme. Bon ! c’est bien la même chose, n’est-ce pas ? Bref, il s’est échappé, et il est venu en France. Pardieu ! tous les Espagnols dont vous entendez parler aujourd’hui, tous les députés, tous les sénateurs, tous les ministres et tous les maréchaux, ont eu une fortune pareille. Pour moi, ajouta-t-il en roulant entre ses doigts le papier d’une cigarette, vous n’ignorez sans doute pas que je l’ai échappé belle j’ai été condamné l’un des premiers et très-justement.
Et comme pour donner une idée de l’énormité de son crime, Huerta se mit à fredonner le premier couplet de son hymne :
Serenos, alegres, etc.
— Eh bien, qu’en pensez-vous ? me dit Philipon à demi voix.
— Je pense, répondis-je, que le système de Lavater n’a jamais rien valu.
Durant le même hiver, j’ai eu l’occasion de voir Huerta une dizaine de fois, toujours dans la même maison. A la fin nous étions devenus une paire d’amis.
— Ah ça, me disait-il un jour, écoutez un peu mon histoire. Il y a d’assez bonnes farces. Écoutez-la ; peut-être vous amuserat-elle. D’ailleurs, comme c’est votre métier de mettre du noir sur du blanc, si le cœur vous en dit, vous pourrez vous en servir. On m’a dit que j’avais joué un rôle politique. Est-ce vrai ? Eh ! mon Dieu, oui, j’ai été tribun musical et soldat de la révolution espagnole pendant un moment. Pour continuer l’emploi, je n’étais pas assez sérieux. Vous avez un auteur (c’est la Bruyère, je crois) qui prétend qu’un musicien ne peut pas être un homme grave. On doit convenir qu’il a bien observé. J’ai fait un air qui a mis l’Espagne sens dessus dessous cent fois ; j’y ai célébré la sublime révolte du noble don Raphaël Riégo, mon général. Cela n’a pas empêché le brillant soldat d’être vendu par ceux qui chantaient l’hymne à ses oreilles une année auparavant, et étranglé en place publique comme un larron de grand chemin, lui, si galant homme. Mais que voulez-vous ? j’avais dix-sept ans quand j’ai fait ma Marseillaise, et à dix-sept ans on a toujours le diable au corps. C’était, du moins, la coutume de mon temps.
En parlant ainsi, Huerta se jugeait mieux que ne le pourrait faire un critique de profession. A bien prendre, il n’avait pas eu d’autre passion que celle qui résulte de la fougue de la jeunesse ; il aimait le mouvement, le bruit, le plaisir, tout ce qui paraît être la vie aux yeux d’une imagination de vingt ans. Un cri de liberté se fait entendre, et il accourt ; on a besoin d’un chant de guerre, et il s’offre à un poëte de ses amis ; il improvise à Madrid une musique joyeuse, alerte, colorée, vibrante, qui, au bout de deux jours, parcourait avec une rapidité magique toute l’Espagne insurgée. Pareille chose était arrivée à Naples en 1796, au moment de l’arrivée de Championnet. Un pauvre petit musicien, qui devait être un jour le grand Domenico Cimarosa, l’auteur d’Il Matrimonio segreto, ivre d’enthousiasme, changeait en cantate populaire une ode en l’honneur de la République Parthénopéenne. Cimarosa aussi fut condamné à être pendu par les Bourbons de Naples, comme Huerta l’a été par les Bourbons de Madrid. Tous deux ont eu la chance d’éviter le lacet du bourreau ; et c’est une ressemblance de plus à noter dans le faisceau de leurs aventures.
Huerta ne parlait presque jamais des incidents les plus notables de sa vie; c’est aux épisodes les plus joyeux ou les plus comiques qu’il s’arrêtait avec le plus de complaisance. On va voir cependant que cette existence d’artiste a été fortement mêlée de pluie et de soleil, de brises d’automne et de grésil. Quand on l’avait laissé parler seulement pendant vingt minutes de ses courses à travers le monde, il prenait tout à coup un petit temps de repos comme pour dire « Est-ce que vous ne croiriez pas lire un des romans fantasques qu’on a écrits sur mon pays ? »
Huerta est né, en 1804, à Orihuela, ville importante du royaume de Valence. A l’âge où il grandissait, l’Espagne sortait à peine de la guerre de l’Indépendance. On avait arrosé la terre de dix provinces du sang des Français. La péninsule en était-elle plus libre et plus heureuse ? Non, sans doute, puisque Ferdinand VII régnait, Ferdinand VII que l’histoire du temps représente comme ayant amené la chute du roi son père, et causé à sa patrie mille déchirements cruels.[1]II serait difficile de faire comprendre aux générations littéraires de 1865 le mouvement de haine que taisait naître dans les jeunes cœurs de 1830 le seul nom du roi … Continue reading « Voyez donc comme l’Espagne pleure ! s’écriait le divin Arguelles; prenez garde, l’Espagne va se lever contre vous ! » Le divin Arguelles fut dénoncé, arrêté, jugé et condamné aux présides de Ceuta, selon l’usage. Cependant Huerta, comme tous les enfants de famille noble, était élevé au collége des Cadets. Il fallait qu’il y étudiât les mathématiques, l’histoire, quelques langues vivantes et la théorie militaire, afin d’en sortir avec l’épaulette de sous-lieutenant. L’espiègle n’y étudia bien que la musique, mais en déclarant avec loyauté qu’il ne saurait jamais comprendre autre chose. En effet, il était né musicien ou personne ne l’a jamais été. Un homme dont la parole a bien quelque autorité dans la matière, Rossini, lui disait, lors de son dernier passage à Paris : « Quand je vous vois, je crois voir un andante. » A l’école, le cadet d’Orihuela voulait essayer de l’étude des plans, de la géométrie et du dessin linéaire. Autant d’efforts superflus. Toutes les fois qu’il prenait la plume, il ne parvenait à jeter sur le papier que des notes de musique. A cette époque de quinze à seize ans, où tous les instincts de l’esprit s’éveillent et où la vocation se décide, il s’exemptait un jour de faire son devoir pour broder les caprices d’une fraîche mélodie sur cette chanson d’amour qu’un de ses camarades avait composée :
Dolorès a une fantaisie : Dolorès veut venir souper avec moi.
Est-ce du xérès ou du vin d’Alcantara qu’il faut servir à la belle ?
— Échanson, prépare plutôt le val-de-peñas c’est le vin qui fait babiller, rire et danser les femmes.
Déjà la nuit étend sa mantille noire à l’horizon.
Ma guitare au manche constellé de nacre, ma guitare qui vient des Maures de Cordoue, quel vin faut-il servir à Dolorès ?
— Mon maître, verse-lui du val-de-peñas c’est le vin qui conseille l’amour aux femmes.
L’étoile du soir pâlit : c’est que ma folle Dolorès vient de pousser la porte.
— Échanson, rafraîchis et renouvelle le val-de-peñas : c’est le vin qui empêche les femmes de perdre la mémoire.
Une autre fois, l’écolier composait la musique d’une seconde cantilène d’amour ; mais celle-là était d’une délicatesse infinie :
Quand je vais à la maison
De ma bien-aimée,
Le chemin qui monte
Me parait un chemin qui descend ;
Mais quand j’en reviens,
Le chemin qui descend
Me parait un chemin qui monte.
Ainsi lancé sur cette pente de la composition musicale, il n’y avait pas de raison pour qu’il s’arrêtât. A l’école des Cadets, assez mal surveillée, on ne blâmait que tout bas ces loisirs d’artiste. On avait même l’air de supposer que l’Espagne, ayant à se remettre des sanglants sacrifices que lui avait demandés le rachat de sa nationalité, aurait à cette heure bien plus besoin de douces chansons que d’œuvres militaires. A Aranjuez et à Saint-Ildefonse, un roi libertin et dévot, amolli par les plaisirs de l’alcôve et par les pratiques d’une idolâtrie bizarre, n’entendait guère qu’on jouât trop au soldat dans les colléges. La sérénade des Maures et la romance castillanne lui paraissaient de beaucoup préférables à tout ce qui aurait pu pousser les étudiants à refaire, même de loin, une seule stance de l’héroïque complainte d’Harmodius et d’Aristogiton. C’était pour cela, en grande partie, qu’on fermait les yeux sur ces écarts lyriques d’un enfant qui n’avait pourtant pas été envoyé sur les bancs de l’école pour y apprendre l’art de chanter l’amour en petits vers cadencés.
On se rappelle ce mot d’un ministre de Charles X : « L’Espagne est un tronçon de l’Afrique attaché au continent. » Tronçon de l’Afrique tant qu’on voudra, mais rien de ce qui intéressait l’Europe n’était étranger à ces généreux peuples, presque tous issus de race latine. En France, en Allemagne, en Italie, à Naples même, le mot qui se faisait le plus entendre après Waterloo était celui de liberté. On voulait des chartes un peu partout. « Des chartes I que nos bons cousins en fournissent à ceux qui leur en demandent si cela leur plaît, disait Ferdinand VII avec une forme de langage qui lui était familière ; pour moi, je ne tiens pas boutique de ces denrées. » Par ces paroles, le fils de Charles IV, celui au nom duquel s’était faite la guerre de l’Indépendance, trompait l’esprit de tous les Espagnols et n’entendait rendre à son pays que le régime du roi absolu, sans aucune atténuation. Des plaintes s’élevèrent de tous côtés. Les cortès de Cadix et même les vaillants cœurs qui avaient pris part à la défense de Saragosse s’écriaient « N’aurions-nous pas mieux fait de garder le roi Pepe (le frère de Napoléon) ? » L’armée libératrice surtout, composée d’un grand nombre de jeunes patriotes, ne supportait le nouvel état de choses qu’avec une impatience qu’elle ne prit pas longtemps la peine de dissimuler. A ces ferments d’opposition se réunit le travail souterrain de la franc-maçonnerie. Un matin, se sentant fort, on se mit à changer tout à coup de langage. Ce qu’on avait demandé d’abord comme un octroi, on le réclamait maintenant avec force comme un droit propre, comme une dette échue et dont le payement ne pouvait plus être différé. Ferdinand était à table dans son palais, joyeusement assis devant un plat de cailles grillées, quand on lui apprit un fait inouï deux des plus jeunes généraux de l’armée venaient de s’abandonner à un inconcevable coup de tête. Après avoir réuni leurs troupes sur un seul point, ils avaient fait former le cercle, et, à cheval, l’épée à la main un bout de papier dans l’autre, ils avaient donné aux troupes lecture d’un projet de Charte, calqué sur la constitution de 1812. « Quels sont ces deux fous ? demanda le roi, la bouche pleine. — Ils se nomment Riégo et Quiroga. — Deux bonnes lames, les plus charmants valseurs de l’Espagne, » répliqua Ferdinand en affectant de rire. — Au fond, il commençait à être soucieux. En effet, à quelques instants de là, il pouvait apprendre, par estafette, que ce fait, que, dans le premier moment, il avait pris pour une échauffourée de deux têtes folles, prenait le caractère d’une véritable insurrection, à laquelle il ne faudrait plus qu’une étincelle pour devenir nationale. Sans déposséder le roi, on faisait de lui une sorte de soliveau irresponsable qu’on plaçait au sommet de la loi. En même temps, les insurgés, forgeant tous les rouages d’un gouvernement constitutionnel, convoquaient les cortès de toutes les provinces. « Ah çà, me laisseront-ils au moins le temps d’achever mes cailles ? » dit le roi déjà troublé.
On n’eut que le temps d’enlever le couvert et de se rendre à la chambre du conseil ; Ferdinand VII, qui aimait à voir les choses par ses yeux, ouvrit une fenêtre et regarda ce qui se passait sur la place du Palais. Il vit des groupes inaccoutumés, des cous tendus, quelques hommes qui péroraient. Un aguador, chargé de ses seaux d’eau, passait à côté d’un moine sans le saluer. « Allons, se dit le roi, qui ne manquait pas de finesse, c’est bien la révolution qui s’avance. » Madrid, en effet, savait déjà la grande nouvelle on avait appris que les deux généraux s’avançaient, Quiroga d’un côté, Riégo de l’autre, aux cris de : Vive la constitution ! et recrutaient sur leur chemin tous ceux que pouvait entraîner l’amour de la nouveauté. Au bout de trois jours, la capitale était en fêté ; l’armée libératrice entrait en triomphe, ayant à sa tête ses chefs, que, du haut des balcons, les femmes bombardaient de branches de laurier et de fleurs. Quant au roi, faisant contre fortune bon cœur, il affectait de rire en disant : « J’ai toujours voulu ce qu’ils veulent. Au lieu d’avoir des prêtres dans le conseil, j’aurai des charbonniers et des philosophes, et tout sera dit. »
Aux premiers sons de la trompette, l’école des Cadets n’avait pas manqué de faire ce qui se présente toujours en pareille circonstance elle avait rompu la discipliné et escaladé les murs. Huerta avait alors dix-sept ans. Au moment où il entrait dans Madrid, la ville était illuminée ; la foule prêtait l’oreille à toutes les choses nouvelles que des orateurs improvisés lui disaient du haut d’une borne ou sur une charrette. A tout coin de rue, les soldats s’embrassaient et étaient les premiers à former les sociétés populaires. Huerta n’eut pas de peine à se faufiler dans le club principal qui se réunissait à la Puerta del Sol. C’est là qu’il y vit et qu’il y aima un homme qui devait jouer un rôle considérable dans cette merveilleuse révolution. Celui-là n’était autre que le colonel Évariste San-Miguel, aide de camp de Riégo, tribun écouté, journaliste de talent, sous peu ministre des affaires étrangères, et poète par-dessus le marché.
— Je t’attache à l’état-major de l’armée, dit le colonel au cadet tout ravi d’aise.
Et après s’être serré la main, voilà que, se devinant l’un l’autre, le musicien et le poëte, ils conviennent de se réunir pour composer un hymne patriotique. En moins d’une soirée, l’œuvre fut faite. Dès le lendemain, on parlait d’un chant martial, qu’on intitulait : la Marche de Riégo. Bientôt la nouvelle cantate, exécutée par la musique des régiments casernés à Madrid, électrisa la capitale Ferdinand VII, toujours habile à dissimuler, se montrait sur le balcon du palais et marquait la mesure de la main à la manière d’un chef d’orchestre. Dès lors ces strophes ouvrirent leurs ailes de guêpe et parcoururent l’Espagne entière. A Cadix, à Barcelone, à la Corogne, à Séville, à Cordoue, à Grenade, à Murcie et jusque dans les Iles Baléares, l’hymne mit le feu à toutes les têtes. Allez faire un tour au-delà des monts, et vous verrez qu’après plus de quarante années, ces vives paroles y sont encore vivantes. En 1823, on les a chantées pour combattre l’invasion de l’armée de la Foi ; on les a chantées en 1830 quand Mina, Valdez et Vigo ont tenté de soulever les provinces basques ; à l’émeute de la Granja et à la chute du comte de San-Luis on les a encore chantées. Toutes les fois que la révolution fait un mouvement de l’autre côté des Pyrénées, l’Hymne de Riégo se fait entendre comme un signal.
Une telle chanson ne pouvait manquer de frapper vivement par son originalité une nation aussi neuve et aussi impressionnable que l’était celle où se sont mêlés les Goths, les Maures et les Cantabres. En fait de poésie lyrique, appropriée aux besoins de la vie sociale, on ne connaissait jusqu’à Charles IV que des romances de chevalerie. Depuis la chute du prince de la Paix jusqu’au premier retour de Ferdinand VII, ceux qui s’insurgeaient contre la dynastie napoléonienne ne chantaient que les litanies de la Vierge, et tout au plus des complaintes de carrefour. Un hymne national était une machine de guerre trop profane pour qu’on s’avisât alors d’en concevoir même l’idée. Cet état de la poésie populaire de 1800 à 1820 explique aisément pourquoi l’Espagne, pourtant si amoureuse du rhythme, n’avait pas de chant politique à l’époque où s’insurgea Riégo. Uniquement préoccupé du soin de reconquérir sa nationalité, le peuple avait laissé tomber en désuétude les formes mêmes de la prosodie. Si l’on faisait encore des vers dans la langue de Cervantès, ce qui devenait rare, c’étaient des vers d’amour, ainsi qu’on l’a vu un peu plus haut. En 1813, à dater du retour du prince venu du château de Valençay, les guitares résonnaient sur les places publiques ou dans les tertulias; on chantait des couplets, mais, en général, ces vers n’étaient que des élégies ou des idylles, c’est-à-dire des échos affaiblis du Romancero. Un peu plus tard, lorsque quelques exaltés se furent mis à conspirer la chute du roi absolu, des complaintes improvisées dans les casernes étaient fredonnées à travers les rues. Ces mélopées, il faut le dire, n’étaient guère que de banales invectives d’une prosodie sans art et dont une oreille délicate ne pouvait admettre ni les paroles ni la musique. L’histoire, si intéressante quand elle se met à étudier les personnages au milieu des petits détails, a bien soin de montrer le général Riégo lui-même, l’âme de l’insurrection des Cabezas, s’attachant à l’exécution de ces poëmes mal équarris. Le 31 août 1820, après le succès définitif du mouvement, le général faisait à cheval son entrée dans Madrid au milieu des acclamations des sociétés populaires. On lui fit parcourir en triomphe une partie de la ville. Durant cette journée, il ressemblait un peu à ses deux devanciers de Rome et de Naples, à Cola Rienzi et à Masaniello, à qui les fleurs jetées par les femmes et les vivats de la foule finirent par faire tourner la tête. Pour clore un banquet tumultueux, Riégo se rendit au théâtre, accompagné d’une foule nombreuse, et il ne se borna pas à prononcer, selon son habitude, une harangue en public il entonna la chanson Tragala, perro, c’est-à-dire Avale-la, chien ! et battit la mesure pour diriger ceux qui la répétaient en chœur. Mais, à quelques jours de là, par bonheur, la Tragala cédait le pas à un chant nouveau, à une cantate moins grossière tout à la fois comme pensée et comme forme poétique. La France de 1790 n’avait-elle pas vu de même la Carmagnole des faubourgs se taire au premier bruit de la Marseillaise, sortie des camps de l’Alsace ? A la Porte du Soleil, où se réunissaient les nouvellistes, à la Fontaine-d’Or, où se tenaient les clubs et jusque dans le quartier de la Cebada, l’Hymne de Riego, mélopée vive, hardie et colorée, se faisait entendre, soir et matin, même sans accompagnement de harpe et de guitare. Dès ce moment-là, le parti libéral mit trouvé son mot de ralliement.
Si cette cantate, dont le ton est si bien adapté à la vivacité du génie espagnol, a quelque mérite, ce n’est pas précisément dans le poëme qu’il faut le chercher ; mais la musique y est si alerte qu’eue emporte l’auditeur au premier mouvement de la ritournelle. Avec des guitares, des harpes, des violons et des petites flûtes, elle charme quand on y mêle le clairon, elle enlève. Si le plus sympathique des instruments, si la voix humaine s’en mêle, par une nuit d’août, sous un ciel étoilé, elle devient irrésistible. En ce qui touche lo poème, il est sans contredit une lointaine copie du chant de Rouget de Lisle. En le composant, son auteur n’oubliait pas assez qu’il avait appris à lire dans l’histoire de la Révolution française. Se modelant sur l’œuvre du sous-lieutenant de Strasbourg, il a groupé quinze couplets de quatre vers, ayant chacun six syllabes. Au fond, c’est à peu près la même quantité que dans la Marseillaise. Dans la contexture des strophes, l’analogie est souvent poussée jusqu’à une ressemblance voisine de la servilité. Il n’y a guère que la première tranche du morceau, qui ait une allure véritablement transpyrénéenne.
Joyeux, allègres, pleins d’audace, chantons, soldats, l’hymne de la guerre ! Que la terre s’émeuve à nos accents ; que le monde admire en nous les fils du Cid.
Mais à mesure qu’on descend, on est amené, malgré soi, à se rappeler la Marche française, bien plus énergique d’ailleurs.
Soldats, la patrie nous appelle au combat. Jurons pour elle de vaincre ou de mourir. Jamais le monde ne vit plus noble audace ; jamais n’a lui un jour plus grand en courage que celui où nous fûmes embrasés du feu qui excitait en Riégo l’amour de la patrie.
Le couplet si fameux de Rouget de Lisle,
Tremblez, tyrans, et vous, perfides !
se retrouve presque en entier dans la cantate espagnole :
Qu’il tremble qu’il tremble, le méchant, lorsqu’il verra briller la lance du soldat !
Sous la plume de San-Miguel, l’imprécation s’appuie sur un verbe répété jusqu’à trois fois, et cet expédient fait naître un effet terrible : Que tiembe! que tiembe! que tiembe, el malvolo! etc. Jugez du frisson d’épouvante qui devait s’emparer du voluptueux Ferdinand, « ce Tibère modéré, » lorsque vingt mille voix d’hommes et de femmes venaient chanter ces paroles menaçantes sous les fenêtres du palais. Dans son enfance, le petit-fils de Louis XIV avait été à même d’apprendre que des préludes de même nature avaient précédé la chute de la monarchie française. Était-il surprenant qu’un parent de Louis XVI tournât alors les yeux du côté des Tuileries pour demander qu’on l’aidât à faire cesser ces bruits importuns qui troublaient sa vie de sybarite ? Ajoutons que plus d’un drame avait déjà effrayé les zones calmes de la population de Madrid on avait rougi le pavé de la place principale de la ville du sang d’un royaliste. Les ressorts de l’autorité judiciaire, non moins relâchés que les principes de la discipline militaire, étaient impuissants à châtier de tels actes. On affichait des épigrammes contre la personne du prince jusque sur les murs de sa demeure, Comment l’idée d’une intervention étrangère ne serait-elle pas venue alors à la tête éperdue du fils de Charles IV ?
A dater du moment où l’on se mit à chanter dans les rues de Madrid l’Hymne de Riégo, les choses s’aggravèrent ; le programme de la révolution s’avançait vers les provinces à la manière d’une colonne de feu, propre à propager l’incendie. Un tel spectacle ne pouvait qu’alarmer la Restauration, constamment tenue en éveil par les conspirations tricolores ; M. de Chateaubriand, amoureux des vers de Virgile même pendant l’exercice du pouvoir, ouvrait l’Énéidepour y trouver un tronçon d’hexamètre sur Troie en cendres : Jam proximus ardet, et il portait cet avertissement tour à tour au conseil des ministres et à la tribune de la chambre des députés. D’un autre côté, le télégraphe de Bayonne signalait à toute heure le débarquement mystérieux de bateaux protégés par le pavillon anglais et assez habiles pour jeter sur la plage, au nez de la douane, des soldats cosmopolites et des armes vite recueillis par des amis qui leur faisaient prendre le chemin des casernes. Ici la métaphore du cheval de bois conduit par Sinon se trouvait continuée. « Il faut intervenir » disait Louis XVIII.
Dans cette esquisse à la plume qui n’a pour objet, après tout, que de faire connaître un artiste, un Tyrtée d’une heure, je n’ai point à suivre pas à pas les diverses péripéties de la guerre d’Espagne, ni les soubresauts de la révolution deux fois victorieuse et deux fois vaincue. On sait le dénoument amené par la prise du Trocadero. On voit Ferdinand VII, délié de la noble captivité où le tenaient les Cortès, rentrer dans sa ville en s’agenouillant, pieds-nus, à la manière d’un musulman, sous le porche de NotreDame d’Atocha. Dès ce moment, l’Hymne de Riégo s’est tu ; les officiers patriotes sont fusillés ou en fuite les orateurs et les journalistes sont envoyés aux galères ; Riégo lui-même, livré par les paysans qui l’avaient porté en triomphe, une année auparavant, est condamné au supplice de la garote et meurt en lançant sur ce peuple si mobile un regard mêlé de désenchantement et de mépris.[2]Un des romanciers les plus estimés de l’Angleterre actuelle, E. Lytton-Bulwer, a debuté en littérature par un petit roman, intitulé Falkland dans lequel il raconte d’une manière … Continue reading Que pouvait faire Huerta au milieu de tels événements ? Le musicien s’était échappé du côté de Gibraltar ; de là, il était allé à Londres et de Londres à Paris.
Ce Paris, qui ne change jamais, quoi qu’on en dise, a des enivrements de toute sorte, surtout pendant l’hiver. Pour les gens du monde, un artiste en renom est un joyau dont il a toujours été de modo de parer sa table ou son salon. Quelle fête serait complète si le musicien dont on parle le plus en Europe n’était là, soit pour jouer de l’instrument sur lequel il excelle, soit pour chanter ? Mme de la Sablière disait familièrement « J’ai mon chien, mon chat, mon perroquet et mon la Fontaine. » De 1824 à 1830, les femmes du monde tenaient à montrer à leur cercle ébloui quelque bouquet apollonien, où le poète se trouvait à côté du peintre, où le musicien coudoyait le sculpteur. Huerta, une fois la révolution vaincue, s’était mis à devenir un artiste véritable, compositeur et chanteur tout ensemble. Comme sa voix juvénile se prêtait à merveille à l’exécution des romances du temps, il avait le rang d’un des solistes les plus recherchés. On n’était pas fâché de dire à l’oreille de ses intimes « Cet Espagnol imberbe, que vous voyez là, dans un coin, a été condamné à la peine de mort c’est l’auteur de l’Hymne de Riégo, » Le faubourg Saint-Germain lui-même, faisant taire ses antipathies politiques de minuit à six heures du matin, recevait dans ses hôtels cet ancien révolté, désormais homme du monde; seulement on ne demandait au ténor du royaume de Valence que de petites strophes d’amour, poétique ressouvenir du passage des Maures dans sa patrie. Au faubourg Saint-Honoré, région des diplomates et de l’aristocratie napoléonienne, Huerta n’était pas moins fêté. Il y était applaudi en même temps que son compatriote Garcia et une enfant, une des filles de ce dernier, qui devait être bientôt la Malibran.[3]II y a presque toujours une étrange logique dans les combinaisons du hasard ; Huerta a habité pendant quelque temps à Paris, dans le quartier de la Chaussée-d’Antin, une maison où il avait … Continue reading On ne les louait pas, on les invitait. Tous trois étaient des raouts naissants des concerts intimes et des bals. — « Quelle hospitalité que celle de la France ! » s’écriaient-ils.
Huerta ne pensait plus à soulever les masses qui se promenaient sur les places de Madrid il ne songeait qu’à vivre et à bien vivre ; Paris lui offrait mille ressources sans cesse renaissantes. D’anciens conjurés, soldats, tribuns, écrivains, isolés dans nos rues qui ne les connaissaient point, arrosaient de leurs larmes, comme Dante, le pain amer de l’étranger Huerta, toujours frivole, arrivait à eux tout cousu d’on et leur ouvrait sa bourse c’était encore un bonheur.
— Voilà ma manière de faire de la politique, disait-il en riant, Mais qui n’aura l’esprit mobile, si ce n’est un artiste de cette insoucieuse et charmante époque ? En allant des faubourgs aristocratiques à la chaussée d’Antin, partout traité en enfant gâté, partout redemandé, l’ancien cadet d’Orihuela aspirait à la vie nomade, qu’il a toujours aimée par-dessus tout. Nouveau Ver-Vert, il demandait à quitter la douce retraite, où il commençait à se trouver malheureux par trop de bonheur.
Un certain jour donc, après un de ses triomphes, Huerta imagine que Paris l’étouffe sous les louanges et sous les fleurs ; il se met en tête d’aller donner des concerts en province. Garcia et son admirable fille lui avaient fait comprendre qu’au double point de tue de la réputation et du lucre, un artiste ne peut que gagner à ces excursions au milieu desquelles son talent se rajeunit. — « Eh bien ! je vais partir, » se dit Huerta, et voilà notre éventé, léger de bagage comme un rapsode, qui s’en va tout droit au Havre-de-Grâce. Dans ce temps-là, cette riche cité, aujourd’hui yankee dans ses mœurs, professait une très-grande tendresse pour les lettres et pour les arts. La ville normande se vantait d’avoir vu mitre au moins trois beaux esprits Bernardin de Saint-Pierre, dont les œuvres étaient partout, et MM. Casimir Delavigne et Ancelot, deux futurs académiciens, et deux ou trois romanciers. On y bâtissait, à cent pas de la mer, un théâtre d’un goût moderne bref, on y imitait Paris le plus possible. Huerta se présente et il fait coller sur les murs une fort belle affiche rose par laquelle il annonce aux habitants de l’industrieuse cité qu’il donnera un concert, à un jour convenu. Le Havre avait lu cent fois le nom du musicien espagnol dans la Pandore et même dans le feuilleton du Constitutionnel. Un musicien si connu, l’ami et l’émule de Garcia, se donnait la peine de venir se faire entendre en basse Normandie. En trois heures, les billets avaient été pris avec uo empressement qui tenait de l’enthousiasme.
Cette même ville, qui sert de trait d’union à plusieurs mondes, toit à tout instant sur ses quais des voyageurs de tous les pays. Au jour fixé par l’affiche, Huerta fumait un cigare sur la jetée du port, ta attendant l’heure du concert. En vue de l’Océan, rêvait-il aux mers de son Espagne, aux ports qu’il connaissait, à la belle rade de Cadix ou aux rochers de la Corogne ? Il rêvait, c’est tout dire ; il était silencieux et grave quand il s’entendit nommer dans sa langue maternelle. Quatre ou cinq Espagnols, majestueusement enroulés dans leurs manteaux couleur amadou, arpentaient le quai pour aller mettre il la voile sur un bâtiment amarré à la Tour de François Ier. Voyez le hasard ! c’étaient des amis qui s’apprêtaient à voguer du Havre à New-York, et des États-Unis à l’Amérique du Sud, magnifique fleuron encore attaché à cette époque-là à la couronne des Espagnes.
— Eh Huerta ! s’écria l’un d’eux avec cette attitude vive et reposée tout ensemble qui est un des signes caractéristiques de la race. Où vas-tu, Huerta ?
— A la salle du théâtre, où je donne un concert aux Havrais dans deux heures d’ici.
On lui répondit par un éclat de rire.
Huerta, tu ne donneras pas de concert aux Havrais.
— Pourquoi ça ? demanda le chanteur.
— Parce que tu vas venir avec nous donner un concert à New-York.
Huerta entreprit de refuser. Il protestait du désir qu’il avait de rester en France et surtout de donner le concert dont les billets avaient été encaissés. Mais quoi ! on ne lui laissa même pas le loisir d’exposer les motifs de son refus; on lui parla de l’Amérique, encore vierge, comme on parle de l’El Dorado dans un conte de Voltaire. Ils ajoutaient d’ailleurs que, depuis la déroute définitive des constitutionnels, le Nouveau-Monde était peuplé de proscrits espagnols, ses compagnons d’hier, qui seraient si heureux de l’entendre chanter son hymne, qu’ils en pleureraient de joie. En remuant ainsi en lui toutes les cordes du sentiment les unes après les autres, ils finirent par faire vaciller cette volonté d’ailleurs peu rétive. Que vous dirai-je ? Huerta s’embarquait bientôt avec eux, et le navire tournait sa proue du côté de l’horizon, juste au moment où les bons Havrais entraient dans la salle du théâtre pour entendre le concert. On en fut quitte pour rendre l’argent.
Cette aventure, qui rappelle un trait curieux de la vie de Bougainville, ne devait pas tarder à avoir des suites. Aux États-Unis, toujours Spartiates, mais ne demandant pas mieux que de devenir Athéniens et même Sybarites, Huerta trouva d’abord un si gracieux accueil qu’il ne consentit pas à aller plus loin. Après quarante ans d’une rude existence politique, l’Union n’omettait rien de ce qui pouvait adoucir l’âpreté de ses habitudes républicaines, En dépit des sermons de maint quaker, on y donnait accès à l’industrie, aux arts et aux frivolités de la vieille Europe. Tout concourait à amollir les cœurs. Dans ce même temps, outre un marché avec les sauvages et l’inscription d’un report, les négociants du pays, ne voulant pas se matérialiser jusqu’à désapprendre la langue de leurs pères, se laissaient aller à certains loisirs littéraires ils achetaient les romans de Fenimore Cooper ; ils encourageaient les contes mauresques de Washington Irving, ce Thomas Moore des savanes. Chez les jolies puritaines aux yeux bleu-de-mer qui avaient tant frappé par le charme de leur modestie les jeunes officiers français de la suite de la Fayette et de Rochambeau, on commençait à voir s’éveiller comme un vague instinct de coquetterie. Ces dames étaient abonnées au Journal des Modes de la Mésangère. On leur envoyait de même de Paris des pianos d’Érard et de la musique nouvelle. Huerta trouvait donc à New York, à Boston et à Philadelphie un public capable de le comprendre et disposé à le bien recevoir. Aussi le succès du chanteur ne fut-il pas balancé par un seul jour d’incertitude. Non-seulement notre artiste se lit entendre comme soliste, mais encore il prit un engagement do ténor dans une troupe nomade d’opéra qui, pour le moment, desservait New-York ; il y chanta les premiers ouvrages do Rossini et il y fit fureur. « Voilà un rossignol de l’Ibérie transporte chez les Yankees! » disait un petit journal du lieu, car les États-Unis, ne se refusant plus aucun genre de luxe, paient déjà des organes de grande et de petite critique, à l’imitation des mondes civilisés.
Dans cette phase de la vie de notre touriste se placent quelques épisodes qui ne dépareraient ni le Roman comique, ni les aventures de Lazarille de Tormes. Huerta avait vingt-trois ans ; c’est l’âge où l’amour parle au cœur d’une voix souveraine, surtout chez un Espagnol. Au grand théâtre de New-York, le jeune ténor s’était naturellement épris de la première chanteuse, primadonna d’origine anglaise, brune, blanche, avec de grands yeux noirs ombragés de longs cils, une vivante vignette de Thomas Lawrence. Pour un enfant de l’Espagne, être tendre et jaloux ce n’est qu’une même chose. Huerta n’entendait pas qu’un autre que lui se trouvât jamais auprès de celle qu’il aimait. Aussi ne la quittait-il pas plus que son ombre, et, à minuit, quand le rideau était baissé et le public sorti du théâtre, c’était lui qui, prenant la cantatrice sous le bras, la ramenait galamment chez elle, à travers les rues. Or, une certaine nuit d’automne qu’un vent glacé sévissait sur New-York, Huerta, peu soigneux de lui-même, se mit, suivant sa coutume, à faire le cavalier servant auprès de la dame.
— Pourquoi n’avez-vous pas votre manteau ? lui dit la cantatrice d’un air de doux reproche.
— Une belle chose qu’un manteau l répondit-il. Comment voulez-vous que j’aie froid, étant avec vous ?
Par malheur, un madrigal ne garantit de rien et peut mener à une pleurésie. Chemin faisant, le souffle de septembre frappa notre galant à la gorge, et il en résulta un accès de grippe. Le lendemain matin, à son réveil, quand, sur la foi de ses moyens de la veille, le ténor voulut se remettre à ses roulades et à ses trilles, tout en faisant sa toilette, il s’arrêta devant une découverte terrible Huerta avait perdu sa voix.
En pareille occurrence, on s’arrête volontiers à une illusion. Quand un chanteur en vedette sur l’affiche est frappé au moment où il s’y attendait le moins ; quand il lui est bien prouvé qu’en ouvrant la bouche, il ne peut plus articuler ni strophes ni andantes, il se dit d’abord « Bon ! ce n’est rien qu’un malaise passager ma voix reviendra demain, » et ce demain, pareil à celui dont parle Martial, se fait souvent attendre toute la \io Quelque attristé qu’il fût d’un ‘événement si funeste, Huerta ne chercha pas à s’endormir dans une vague crédulité. En une seule nuit, il perdait tout sa voix, son gagne-pain, son talent de chanteur, sa renommée d’artiste et sans doute aussi la tendresse de la cantatrice, puisque l’amour n’aime les déchéances ni les défaites d’aucun genre. Mais peu importait à l’ancien cadet d’Orihuela. Prenant les choses en homme résolu, il commençait par rejeter l’illusion d’une espérance lointaine. Il se disait « Il s’agit d’avoir du courage. Je n’ai plus l’instrument du chanteur ; eh bien, voyons à nous donner une autre façon de gagner notre vie. » Il ne faudrait pourtant pas croire que les” suites de cette nuit fatale n’eussent pas rempli son cœur d’amertume. Renonce-t-on sans regrets à être l’homme le plus applaudi et le chanteur favori d’une ville riche et élégante ?
II était donc urgent de prendre un parti, mais à quoi s’arrêter ? L’artiste regardait ses mains blanches, fines et frappées de fossettes aristocratiques. Ces mains-là pouvaient-elles s’assouplir aux exigences d’un métier professionnel ou même à tenir la plume du copiste ? Il se disait que non. Petit de taille, recherché dans sa mise, habitué à toutes les délicatesses de la vie mondaine, n’ayant jamais obéi qu’à l’impulsion de ses fantaisies, toute discipline l’eût tué au bout d’un mois, sans compter qu’il eût fait un mauvais ouvrier ou le plus détestable des employés de bureau. D’ailleurs, si sa voix lui faisait tout à coup défaut, il n’en demeurait pas moins doué d’une puissante organisation musicale.
— Je ne puis plus être ténor, dit-il ; eh bien, je serai instrumentiste !
Ici l’embarras renaissait A quel instrument donner la préférence ? Il avait songé à la flûte ; mais, dans l’état où est aujourd’hui l’art musical,’ la flûte n’est admise que comme un accompagnement, et il ne pouvait plus que jouer seul. Il pensait aussi à la harpe ; c’eût été sans doute la cause d’un beau succès dans l’Amérique du Nord, région toute peuplée de familles austères adonnées à la lecture do la Bible ; mais d’abord l’instrument du roi David était un ustensile bien solennel pour un homme de son caractère. Enfin Huerta, si peu habitué pourtant à recourir au travail de la pensée, se disait :
— Je ne vivrai pas toujours parmi les Yankees. Il faudra bien que j’aille un jour ou l’autre dans le sud du Nouveau-Monde, à la Havane et à Lima, ou que je retourne dans mon beau pays du royaume do Valence.
Là-dessus, ébloui par une idée soudaine comme Archimède, il se mit à frapper dans ses mains, en se disant.
— Voilà mon affaire ! je choisis la guitare.
On ne devient pas pauvre tout d’un coup. En artiste fêté, il possédait, comme restant de ses splendeurs de la veille, une cinquantaine de dollars égarés au fond d’un tiroir. Grâce à ces économies, il paya trois mois d’avance à son hôtel, acheta une guitare et s’enferma dans sa chambre. Sans maitre et sans méthode, il étudiait d’instinct. Pour se condamner à une application absolue, il s’avisa d’un expédient assez original, bien qu’il fût renouvelé des Grecs. Notre héros n’avait pas lu Plutarque, ni la vie de Démosthène. Par le fait d’une ingéniosité naturelle, il n’en imita pas moins le prince des orateurs d’Athènes, qui voulait se perfectionner par l’étude. Comme lui il se rasa la moitié de la tête et du visage, n’épargnant pas même les sourcils.[4]L’histoire de notre dix-neuvième siècle fournit un autre trait de même nature ; c’est un épisode qui se rattache à la plus belle œuvre de Géricault. Après avoir conçu … Continue reading En se condamnant à cette ablation étrange, il se disait « Je ne sortirai que quand je serai de première force sur la guitare. » Si jamais il y a eu un sacrifice héroïque, ç’a été cette immolation d’un chanteur jeune, aimé, choyé, dameret, couru et qui se mutilait temporairement afin de se consacrer tout à fait à l’art.
Ainsi, durant le quart d’une année, Huerta, muré tout vif dans sa cénobie, disparut tout à coup du monde. New-York, se méprenant sur les causes de cette brusque éclipse d’un artiste en vogue, se disait : — « En voyant qu’il avait pour toujours perdu la voix, le ténor s’est embarqué clandestinement pour aller mourir de chagrin en Europe. » Trois mois s’écoulèrent. Un matin, le solitaire se regarda dans une glace ses cheveux, sa barbe et ses sourcils avaient repoussé. Un talent tout nouveau lui était venu.
— Je suis le premier « guitariste du monde », s’écriait Huerta, et il ne se flattait pas.
Qu’on imagine la surprise de New-York ! Un jour, une affiche, collée sur tous les murs de la ville, annonçait que le petit ténor espagnol, qu’on croyait fugitif ou mort, ressuscitait tout à coup pour donner un concert uniquement composé de morceaux de guitare. Au concert, l’étonnement redoubla lorsqu’on vit, chose à peine compréhensible, que dans la guitare du chanteur se confondaient tous les instruments, la harpe, la flûte, le violon, le hautbois, la trompette, le tambour et jusqu’aux cymbales. Notez bien, en effet, qu’il n’y a aucune hyperbole dans cette énumération. Un peu plus tard, Paris, Londres, Vienne et Madrid ont eu à constater ce même prodige.
On criait au miracle, et il y avait de quoi. Les beaux jours refleurirent. Huerta donna de fructueux concerts. Cependant, emporté de nouveau par son goût pour les voyages, il se mit en route, parcourant les principaux États de l’Union, sa guitare sous le bras. C’était ainsi que le nouvel Orphée, moitié voyageur, moitié musicien, s’avançait du côté de la Nouvelle-Orléans, en Iongeant les tribus sauvages par les mêmes sentiers qu’avait foulés vingt-cinq ans avant lui l’auteur d’Atala et des Natchez.
Tout le monde a retenu le mot du vieux Plaute dont Le Sage a déjà fait son profit dans Gil Blas « Les hommes aiment à causer en route. » Huerta ne tarda pas à trouver que la solitude était lourde à porter. Un jour, du côté de la Delaware, au détour d’un bois d’érables, il fit rencontre d’une petite caravane : un peintre français, sa jeune fille en chapeau de paille, et deux noirs qui leur servaient de guides et de serviteurs. Entre artistes, les préliminaires de l’amitié ne sont ni longs à se faire attendre, ni accompagnés de cérémonies. Le même soir, notre joueur de guitare, s’annexant à la petite troupe, descendait avec ses nouveaux compagnons à une hôtellerie de village. On se mit à table ensemble et l’on causa. Le peintre français était un assez pauvre élève de Louis David, un peu compromis par ses révoltes contre les Bourbons de France comme il l’était lui-même par ses faits et gestes contre les Bourbons d’Espagne. Pour éviter la prison, il s’était réfugié en Amérique et il y cherchait fortune en faisant des portraits. La soirée n’était pas terminée qu’ils convenaient de former entre eux une association, indissoluble et éternelle, bien entendu, comme toutes les associations qui commencent. Tandis que l’un continuerait à faire les portraits des citoyens de l’Union, l’autre donnerait des concerts, et des deux produits l’on formerait une masse commune. Ce Van Dyck ambulant travaillait effectivement de son mieux ; il n’y avait pas de sa faute si ses portraits n’étaient pas des chefs-d’œuvre et si les Yankees les payaient peu généreusement. Quant à Huerta, c’était toujours le même bonheur. Le musicien faisait tomber l’or de sa guitare. Au bout de neuf mois, bien qu’on vécût assez largement, en artistes friands des bons morceaux, on avait en caisse une somme de près de 20,000 francs, très-joli denier pour le pays et pour le temps. Jugez ce que devaient éprouver deux Bohêmes qui n’avaient jamais logé que le diable au fond de leur bourse ! Huerta se donnait déjà des airs d’homme sérieux.
— Encore deux campagnes comme celle-là, disait-il au peintre de portraits, et nous pourrons acheter une raffinerie de sucre ou une manufacture de coton.
Peut-être môme le musicien, ironique pour lui-même, appuyat-il trop sur l’importance de leur fortune. Une chose certaine, c’est qu’un jour, à travers la Virginie, comme ils s’étaient retirés chacun dans sa chambre, le guitariste fredonnant un air de son pays, le peintre prit tout à coup la figure d’un homme rêveur. « A quoi pense-t-il ? » se demandait Huerta ; mais l’ancien officier de l’armée des Cortès avait bien trop de loyauté dans l’esprit pour creuser longtemps une telle question, tout imprégnée d’un sentiment de défiance, et il s’endormit. Le lendemain, au grand jour, notre rapsode se leva, joyeux comme de coutume, et il fut tout étonné, au moment où la cloche annonçait l’heure du déjeuner, de ne pas voir venir à lui son ami ni sa fille. En quelques mots, la maîtresse de l’auberge le mit au courant de ce qui venait de se passer. Il sut par elle que, prétextant une raison de partir sur-le-champ, ils l’avaient présenté, lui, Huerta, comme un pauvre hère dont ils avaient eu pitié jusqu’à ce jour et qu’ils ne voulaient pas laisser sans ressources. A cet effet ils avaient déposé pour lui entre les mains do l’excellente femme une somme de vingt dollars, destinée à couvrir les frais de sa dépense. — Huerta vit qu’il était un homme volé. — Tout autre eût maugréé. Le musicien, devenant philosophe, ne voulut pas se faire de sang noir. Habitué à voir que la vie est mêlée de bien et de mal, il tira des vingt dollars le meilleur parti possible, mit sous son bras sa guitare et sa valise, et rebroussa chemin. Il ne se sentait plus de force, en effet, à suivre le même sentier que ceux qui venaient de le tromper. Bien mieux, une fois en route, pour se consoler, il se disait :
— Il n’y a pas tant à crier. D’abord le peintre français avait droit à la moitié de la masse qu’il a emportée en second lieu, le reste de la somme ne sera pas superflu pour faire une dot à sa fille.
Et il ne pensa plus du tout à cet incident.
Néanmoins cette aventure, jointe à la déconvenue de New-York, l’avait, à son insu, dégoûté des États-Unis. Au premier jour, il monta sur un navire marchand qui faisait voile pour Cuba, et il débarqua à la Havane, la reine des Antilles, la plus belle perle de la couronne d’Espagne. Il est bon d’expliquer ici que, si peu tendre qu’il fût aux exaltés, le roi Ferdinand VII se montrait assez tolérant pour eux quand ils se présentaient ailleurs que sur le continent européen. Libre à eux de vivre dans l’Amérique du Sud, pourvu qu’ils ne s’y occupassent point de politique. Huerta n’ignorait point cette circonstance et il en profitait. Il entra donc au port et résida dans l’île sans être inquiété. Bien mieux, il donna des concerts qui furent fort courus. Le gouverneur général lui-même y vint.
— Si, au lieu d’être à Madrid, le grand inquisiteur était à Cuba, il viendrait aussi m’applaudir, disait Huerta avec son insouciance ordinaire.
Les riches créoles ne mirent pas longtemps à remplir la bourse du guitariste. Par malheur, il était de’ ceux qui ne savent pas tenir en place. En dépit du bon accueil qu’il recevait à Cuba, l’artiste ne s’y trouvait pas à l’aise il se remit en mer et alla à Londres.
Cela se passait sous les derniers jours de la Restauration. A cette époque, si l’on veut bien se le rappeler, l’émigration espagnole avait choisi la capitale des Trois-Royaumes pour son champ d’asile. Généraux échappes à la justice des conseils de guerre, orateurs qui avaient été sur le point d’être mis en chapelle, ils s’étaient retirés dans cette cité aristocratique et hospitalière tout ensemble, en ne perdant pas de vue les côtes de la péninsule. Quand le jeune musicien se montra au milieu d’eux, rose, souriant, mis avec une certaine recherche, il fut à même de comprendre que la coupe amère de l’exil ne pouvait pas être vidéo gaiement par tout le monde. Tel ancien général de cavalerie, ex-ministre de la guerre, était forcé de donner des leçons d’équitation pour vivre. Un élégant tribun enseignait aux petites misses à tire Don Quichotte dans le texte, à raison de cinq schellings par leçon. Beaucoup d’autres avaient pris des états manuels, eux, rompus dès l’enfance à la vie oisive et libre de Madrid. Il en rencontrait d’autres, et en grand nombre, couverts de manteaux troués, qui n’avaient aucune ressource. Pour le coup, cet esprit si léger, que rien ne pouvait l’amener à être grave cinq minutes de suite, fit effort sur lui-même et fut ému d’une pitié toute fraternelle. « Nourrir des frères sans pain, voilà un devoir sacré qui m’arrive et auquel je ne me dérobe pas, » se disait-il. Huerta pensait et agissait en homme de cœur ; c’est là la plus belle page de sa vie.
Vers le même temps, c’est-à-dire a la veille de 1830, la guitare, aujourd’hui dédaignée jusqu’au délaissement, n’était encore en défaveur nulle part, pas même en Angleterre. Chez nos voisins et chez nous, les peintres de l’école nouvelle faisaient de cet instrument l’attribut obligé des scènes d’amour. Qu’on se rappelle les dessins d’Achille Dévéria et les belles vignettes des deux Johannot. Nos poëtes brodaient des vers’ pour donner plus de force à ce synchronisme, et l’auteur des Chants du Crépuscule affectait de mettre le mot guitare en tête de ses chansons. Il n’était donc pas si étrange de voir un musicien espagnol attirer le beau monde britannique à un concert composé uniquement de morceaux de guitare. Dans tous les cas, le talent prodigieux de l’Espagnol l’aurait sauvé do l’insuccès. H donnait des matinées musicales, et c’était pour lui une pluie de guinées il donnait aussi des leçons aux jeunes femmes à la mode et même aux dames de la cour ; c’était encore une belle moisson de bank-notes qu’il distribuait ensuite en riant aux pauvres hidalgos, ses amis d’exil. Sa réputation était grande, et, comme Mme Pasta, comme son ami et son compatriote Garcia, et comme Mme Vigano, notre Huerta faisait sa partie en présence de la fleur des pois de l’oligarchie anglaise. On peut s’en convaincre en parcourant des yeux ce passage d’un article que mistress Norton écrivait sur une soirée donnée par la duchesse de Kent, et où se trouve un paragraphe qui vient fort à propos confirmer l’exactitude de nos assertions. « Après que Garcia eut chanté sa terrible et belle romance : Yo que soy contrabandista, on présenta une guitare à Huerta. Ce n’est point un instrument pour lui ; c’est une amie, une compagne ; il lui parle et elle lui répond ; c’est pour la presser contre son cœur qu’il la tient ; il l’aime, il l’adore ; je dirais qu’il l’épouse, s’il était moins passionné. Ne me demandez pas, après cela, comment Huerta joue de la guitare. »
A Londres, Huerta menait la vie d’un sybarite ; mais, qui ne le sait ? on se lasse vite de dormir sur des roses et de faire de l’existence une fête. Une sorte de nostalgie française s’empara tout à coup de l’artiste. A la vérité, la révolution de Juillet venait de remuer l’Europe et d’attirer encore une fois Inattention du monde sur Paris. Ceux des anciens amis de Riégo qui se trouvaient dans cette ville, s’imaginant que l’ordre nouveau allait défaire l’œuvre de la Restauration à l’extérieur comme il venait de le renverser en trois jours à l’intérieur, formaient des comités auxquels étaient invités à se joindre tous les chevaliers errants de la constitution de 1812. Trois généraux constitutionnels, résidant à Bayonne et dans les environs, organisèrent une junte insurrectionnelle, et ceux-là étaient des plus célèbres : Mina, Valdez et Vigo. Bientôt un ancien cabecilla libéral, Yauraguy, dit El Pastor, fameux dans la guerre de l’Indépendance contre Napoléon, vint se mettre sous leurs ordres ; mais le pouvoir naissant de la branche cadette n’entendait pas qu’on le brouillât si vite avec les têtes couronnées de l’Espagne. Entre Ferdinand VII et Louis-Philippe d’Orléans, tous deux Bourbons et tous deux alliés à des princesses de Naples, il existait des rapports de parenté qui contribuaient naturellement à rendre le roi-citoyen peu sympathique à la tentative des insurgés. La petite troupe révolutionnaire fut donc désarmée sur la frontière d’Espagne par ordre du général Sébastiani. Il paraît que le vieux Mina en pleurait de rage. On apprenait presque au même moment que le colonel Torrijos, arrivant d’Angleterre par Gibraltar avec vingt et un de ses amis, était tombé dans une embuscade de soldats royaux et avait été passé par les armes, lui vingt et unième. Ce n’était guère l’heure de se remettre à faire jouer l’Hymne de Riégo.
Huerta n’en revint pas moins à Paris ; il avait l’oreille basse et les yeux attristés. Tant d’amis morts ou proscrits ! Il rencontrait lors dans les rues de la grande ville les mêmes infortunes qu’il avait secourues sur le pavé de Londres. Une vive rougeur lui montait au front, et il disait, en s’adressant à sa guitare comme Rodrigue de Bivar parlait à son épée « Allons, c’est à donner du pain à tous ces misérables ! » Aussi, dès le lendemain, il se remettait à donner des concerts et à se montrer dans les salons.
Huerta, du reste, était traité en enfant gâté par le beau monde. Une femme d’élite, esprit délicat et cœur excellent, la comtesse Merlin, espagnole d’origine comme la Malibran, son amie, réunissait alors chez elle toutes les sommités do l’art. On était là sur un terrain neutre pour oublier un instant les querelles politiques, c’est-à-dire les plus infécondes de toutes les disputes ; on n’avait qu’à entendre la meilleure musique qui se fit en Europe et à parler de théâtre et de littérature. Huerta réussissait beaucoup dans ce cercle, tant à cause de son merveilleux talent sur la guitare qu’en vue de la franchise enfantine de son caractère. Dans ce temps-là, M. Victor Hugo venait d’avoir le triple succès de Marion Delorme, de Notre-Dame de Paris et des Feuilles d’automne, et, tout ravi à la vue du petit Espagnol, il jetait dix beaux vers inédits sur l’album du musicien. Une autre amie de la maison, Mme Émile de Girardin, qui n’avait pas encore abandonné la forme lyrique pour le roman bourgeois et pour la causerie, imitait le poète des Orientales, et Huerta se trouvait à bon droit tout fier de ces témoignages de sympathie.[5]Voici quelques uns des vers faits pour notre musicien par Mme Émile de Girardin: Sa guitare, en vibrant, vous parle tour à tour Le langage d’esprit, le langage … Continue reading Dans le monde des artistes, il se liait alors, comme je l’ai dit, avec le spirituel inventeur du journal illustré en France, avec Charles Philipon, qui, accompagné de Balzac, d’une part, et, de l’autre, de Grandville, de Gavarni et de Daumier, lançait, en se jouant, sous le trône du roi de Juillet, ce brûlot terrible qu’on appelait la Caricature. Autre particularité très-curieuse et qui touche à l’histoire contemporaine. En ce temps-là, Armand Marrast, rédacteur en chef de la Tribune, ayant à purger à Sainte-Pélagie une condamnation six mois de prison pour délit de presse, Huerta l’allait voir, sa guitare sous le bras, et lui-donnait des leçons dans sa cellule. — « Armand Marrast était un de mes meilleurs élèves’, » disait Huerta. Au’ reste, l’épisode fit du bruit, et un journal satirique, le Figaro d’alors, qui défendait la cour, s’écriait « Voyez-vous ces républicains, ces cœurs de bronze, qui prêchent leurs chimères en pinçant de la guitare et en chantant des romances espagnoles aux étoiles ! »
Ferdinand VII mourut à peu de temps de là, et, s’il faut en croire les relations historiques, il mourut deux fois, puisque, sous le coup d’un sommeil léthargique, il demeura vingt-quatre heures sans mouvement, après une attaque de goutte. « Ah ! ce n’était qu’une fausse sortie ! » s’écriait le roi lui-même, qui aimait à rire. Il en avait réchappé, mais non pour longtemps. Tout le monde sait qu’il profita du répit pour rédiger ce fameux testament par lequel, passant un coup d’éponge sur la loi salique, il nommait reine sa fille Isabelle II au mépris des droits et des prétentions de don Carlos, son frère. L’acte signé, il mourut pour tout de bon. La petite révolution de palais qui suivit son décès devint le signal d’un mouvement favorable aux constitutionnels. Sur le conseil de ses amis, la reine régente, voulant contrebalancer l’influence du parti absolutiste, promulgua une amnistie générale. Tous les libéraux proscrits purent revenir. Tous les exilés reprirent le chemin de la Péninsule en chantant l’Hymne de Riégo.
Ainsi cette romance politique d’un écolier devenait encore une fois le prélude d’un de ces événements étranges par lesquels se manifeste l’humeur capricieuse de la Fortune. Martinez de la Rosa allait passer au ministère de l’intérieur, et le moment n’était pas loin où le général Evariste San Miguel, l’auteur des paroles de l’hymne, le collaborateur de Huerta, serait nommé commandant de la garde nationale de Madrid. Comme tous « les fils du Cid », notre musicien voulut revoir au plus vite le beau ciel de son pays, et Grenade, et Cordoue, et Valence ; il partit donc tout joyeux, mais presque aussi léger d’argent que Gil Blas au moment où il fait son entrée dans le monde.
Du jour où la révolution de 1821 fut installée au palais d’Aranjuez, tout près du trône, l’Hymne de Riégo perdit sa valeur comme instrument d’opposition politique ce n’est plus aujourd’hui qu’une pièce vermoulue à laisser traîner dans le bric-à-brac de l’histoire. Dès ce moment, le rôle politique de Huerta, d’ailleurs si éphémère et si effacé, ce rôle a été fini pour toujours. Heureusement l’artiste reste. Le joueur de guitare, pareil à Anacréon chez le tyran de Samos, se montre sans cesse léger, charmant, frivole, ne disant jamais et ne sachant rien dire ni rien faire de sérieux. En 1835, il a revu l’Espagne ; il a serré la main à vingt-sept ex-condamnés à mort, qui sont ou ministres, ou sénateurs, ou préfets, ou généraux, ou journalistes dirigeant avec leurs plumes toutes les forces do l’opinion publique au-delà des Pyrénées. Pour lui, désintéressé dans le partage du budget, il ne cessait pas d’être le pauvre chanteur de la veille. — Est-ce qu’on ne pourrait pas faire de lui un musicien en titre de la reine ? demandait une voix, qui était peut-être bien celle du divin Arguelles.
— Le palais serait une trop grande cage pour un rossignol tel que moi, se hâta do répondre le guitariste.
Et, en effet, le voilà parti derechef, parcourant un à un tous les chemins de l’Europe.
Huerta visita alors l’Allemagne, où il fut comblé de tabatières d’or et de cordons par tous les souverains de la Confédération germanique. Quelques historiographes de chancellerie qui pensaient-trouver en lui un Brutus musical ne pouvaient en croire leurs yeux ; ils s’obstinaient à rechercher dans l’insouciant artiste la flamme d’une passion politique, et ils n’entrevoyaient que l’amour de l’art et l’ivresse du plaisir. Rassasié de caresses sur les bords du Rhin, il descend du Tyrol pour aller en Italie. Cette autre Péninsule était toute pleine alors de carbonari, de francs-maçons et de révoltés ; Huerta ne s’arrête pas à leurs mystères ; il n’a qu’un souci, il veut passer la vie le plus follement qu’il le pourra ; en conséquence, il va à Rome. Dans la ville éternelle, alors fort éventée, le pape Grégoire XVI, de joyeuse mémoire, le même qui aimait si fort les romans populaires de M. Paul de Kock et les petits poissons frits, ce pape sur lequel on a fait tant de satires, fut aisément charmé par l’Orphée d’Orihuela et lui donna en riant une croix de commandeur d’un de ses ordres. Des croix ! nous disait Huerta l’un de ces derniers hivers, des croix ! j’ai assez de rubans pour me couvrir toute la poitrine, mais je n’en ai pas acheté un seul. Et comme il devait donner un concert dans la salle du Théâtre-Italien, fête musicale dont l’Impératrice avait voulu faire les frais, un de ses anciens amis lui disait :
— Eh ! mon pauvre garçon, prenez vite cent cinquante francs dans vos épargnes, allez au Palais-Royal, dans la galerie des orfèvres, et dépêchez-vous de vous acheter une plaque de commandeur afin que votre public ne vous confonde pas avec les musicastres du jour.
Huerta a suivi le conseil, mais il n’y mettait aucune hâte.
A la longue, tandis qu’il vivait ainsi en nomade, les années arrivaient et les chances de fortune s’envolaient une à une à tire d’ailes. N’est-ce pas l’usage ? A l’heure qu’il est, Huerta a moins d’argent dans sa poche qu’un muletier des Asturies. Mais il a coutume de dire comme le savetier de la fable « Chaque jour amène son pain, » et cela lui a toujours suffi. Pourtant, en 1845, il eut la fantaisie de visiter le Portugal, pensant avec raison qu’on l’accueillerait bien dans un pays où la guitare est en honneur depuis que le Camoëns a mendia au son de cet instrument. Le calcul n’était donc pas mal établi. En six mois, sur cette terre si riche ; Huerta avait pu mettre de côté 10,000 francs en or. Suivant l’usage des Espagnols de vieux sang, il portait sa richesse sur lui, dans une large ceinture de maroquin rouge. En comptant ses, économies, il se disait :
— Eh bien, je vais retourner dans le royaume de Valence, où l’on vit si bien avec un oignon, une figue, une gorgée d’eau vive et un peu de tabac brûlé ! Que de beaux jours je vais mener, au milieu de la paresse et de la musique !
En même temps il montait en berline pour passer la frontière lusitanienne : Tras los montes. Il causait, il chantait, il égayait ses voisins. Voilà qu’à un dénié étroit, comme il y en a par centaines dans cette contrée, les mules agitent précipitamment leurs sonnettes et leurs rubans. Vingt-cinq canons de fusil sont braqués sur l’équipage.
— Qu’y a-t-il donc ? demande le musicien étonné.
— Des seigneurs du grand chemin, répond le postillon, qui était peut-être d’accord avec les bandits.
Une jeune religieuse s’était évanouie en récitant son chapelet. Un comte russe était descendu à la hâte et essayait de se sauver. Mis aussitôt en joue, il fut atteint d’une balle à la jambe, et tomba.
— Donnez tout ce que vous avez d’or et d’argent, et jetez-vous la tête contre terre s’écria une sorte de chef.
Sur cet ordre, les autres voyageurs faisaient la grimace ; Huerta livra de bonne grâce son petit trésor.
— Tu es si gentil, que nous te laisserons cette bague que tu portes au doigt, lui dit un des voleurs.
Ils partirent, et le guitariste revint en Espagne comme il put, en récapitulant dans sa pensée qu’il avait déjà tenté trois fois de faire fortune, et que trois fois le sort s’était amèrement moqué de lui.
Toute cette affaire ne laissa pas de faire quelque bruit. Le Russe avait réclamé, la religieuse aussi, et les journaux avaient déploré l’infortune du musicien. A un mois de cette scène, comme Huerta, introduit à Saint-Ildefonse par ses amis, obtenait une audience d’Isabelle II, la jeune reine lui dit familièrement, en se servant du tutoiement qui est dans les privilèges de son rang :
— Ah ! je sais ton histoire, Huerta tu as été dépouillé de tes douros par des voleurs portugais.
— Il est vrai, Majesté.
— Eh bien, nous essayerons de te rendre ce qu’on t’a pris.
Quelques jours après, en effet, le musicien était nommé guittarero de la camara, très-mince sinécure, titre qui rapporte à peu près 5,000 réaux par an.
Huerta a beau avoir une charge à la cour, il ne change pas pour cela ; il s’abandonne à son penchant inné pour les hasards de la vie errante. Cependant il n’est plus jeune, et il serait temps qu’il se trouvât un abri. Durant l’hiver de 1861, ainsi que je l’ai déjà dit, il organisait un concert que de hauts protecteurs patronnaient. A la fin de la soirée il eut à toucher une jolie somme. Rossini, qui l’aime mais qui a renoncé à le conseiller, Rossini lui disait :
— « Sous huit jours, vous n’aurez plus rien de cet or-là. » Et l’illustre auteur de Guillaume Tell, si lettré, comme on sait, lui rappelait l’admirable fable où Schiller fait partager la terre par le souverain des dieux. Tout le monde obtient une part, le soldat, le marin, le matelot, le marchand il n’y a que le poète qui n’ait rien. « Tu n’as rien, lui dit Jupiter, mais toutes les fois que tu « m’appelleras j’accourrai à toi et je t’ouvrirai les portes du ciel. » Rossini ajoutait : « Huerta, voilà ta richesse. »
En entrant à Madrid, pour la cinquième ou sixième fois, Huerta est allé au palais de la reine, et il y a vu mourir, chargé d’années et couronné d’hommages, son vieil ami Évariste San Miguel, qu’Isabelle II avait nommé capitaine général des hallebardiers, c’est-à-dire maréchal du palais. Et même la princesse, qui rencontrait le petit homme, lui disait avec autant de bienveillance que de finesse :
— Voilà un des signes du temps ; j’aurai eu auprès de ma personne, dans ce palais, poète et musicien, les deux auteurs d’une chanson qui a fait perdre, un moment, la couronne à mon père.
Huerta a composé beaucoup de musique, des romances, des quadrilles, des boléros, des nocturnes ; tout cela témoigne d’une imagination pleine de fraîcheur; mais, à tout prendre, l’instrumentiste l’emporte chez lui sur le compositeur. C’est même ce qui a fait dire à Rossini « Il fait la musique d’une fauvette ; mais après lui, il ne restera que ce qui reste de la fauvette. » Critique très-douce et très-vraie d’un homme de génie, que l’histoire de l’art doit enregistrer.
PHILIBERT AUDEBRAND.
Four or five years ago, on a winter’s evening, I went to see my excellent friend Charles Philipon in this rue Bergère office, whose walls are still wallpapered with so many original works – a great political masquerade from 1831, signed by Grandville, the first women Gavarni dropped from his pencil, Henri Daumier’s first drawings, Gustave Doré’s first paintings, and best of all, H. de Balzac’s first manuscripts, and twenty other curious monuments of contemporary art. It was in this back room of a newspaper office that the witty founder of la Caricature, with youthful verve despite his fifty years, so many episodes relating to the history of the press during the July monarchy. As a journalist in the aftermath of 1830, Charles Philipon had seen the rise and fall of many a great man. Pampered by public opinion, pursued to excess by the public prosecutor’s office, he had gone twenty times from a salon party to a cell at Sainte-Pélagie, and on his way he had received a fraternal handshake from all the celebrities of the day; sometimes he even had to stop off at the gaol to hear a flattering word from the ministers who had just had him arrested. No one could claim to know the actors of social comedy as well as he did. “I have seen them so often behind the scenes,” he said, accompanying his words with a little ironic and subtle cough. We know, moreover, that his talk abounded in numerous and unexpected features. So we hastened to listen to everything that such a charming conversationalist might have to say.
On the evening I’m talking about, as I entered the room and Charles Philipon was finishing a letter, he beckoned me with his hand to sit next to a little man who was falling asleep familiarly by the fire, between the arms of an armchair.
—Here,” he added, “while you’re waiting for me to finish, pull that fellow by the sleeve of his suit and have a chat with him. — But seeing that I hesitated to do as he recommended, he suddenly stopped writing, and, raising his voice a little: — Eh! eh! he said, wake up, Huerta, and have a chat; here’s a friend.
This name, which he had just pronounced in such a sympathetic manner, was not for me a collection of unknown syllables. I knew that, without being surrounded by a great deal of glamour, he nevertheless enjoyed the benefit of a European reputation. “Huerta is the best musician in modern Spain. That was one of the words of praise I had retained. There was, moreover, for my memory, the bizarre circumstance that, in the small town in the Berri region where I was brought up, having been able to see at close quarters the proscribed officers of the Spanish constitutional army, this same name had often struck my ears. Some things sleep for thirty years in a row, only to awaken suddenly with astonishing suddenness. One of these sudden movements of thought was manifesting itself within me at the moment.
— “How!” I exclaimed, turning towards the sleeper, “is it the musician Huerta, the author of the Marche de Riégo, with whom I have the honor of meeting?
I had hardly finished when the little man, visibly making an effort on himself, raised his head, reopened his eyes and replied in a tone full of childlike naivety:
— Yes, sir, my new friend, I am who you say I am.
No matter how hard you try to free your mind from the insecure principles of this method, some say from Lavater’s reverie, which prides itself on indicating intimate relations between the physical and the moral, there’s no way of escaping the empire of certain impressions. “What big hands the man who was playing whist with me just now has!” said a Russian prince.
— Ah, Monsieur,” replied the mistress of the house, “you’ll soon have a different opinion of these hands. The man playing cards with you is none other than Redouté, the painter of roses.” — As for me, to return to our story, I could hardly find in the foreigner the Rouget de Lisle of the Spaniards. For the rest of us, Riego’s Hymn had been more than just a Marseillaise. Coming down from the summit of the Pyrenees, at a time when France was entering an era of literary renewal, this lively cantata also had something of the romantic about it. What’s more, it was readily confused with the stanzas of the Romancero, which Émile Deschamps had just made fashionable. At the time, in the spirit of valiant extravagance, the creator of such a melody had to be an exceptional nature, a Byronic figure, a superhuman Tyrteus fused with Lara. We were inclined to suppose him tall, pale, fatal, a lover of struggle and movement, a Don Quixote enemy of kings and hostile to academies. Instead of this vision, imagine a bourgeois head set on a stocky body and surrounded by a monastic beard. In the eyes, not a flash; on the lips, barely a smile. The tone of voice was dull and almost childlike.
I was deeply disillusioned.
— So talk! said Ch. Philipon, who was always writing.
There are some surprises you just have to react to. After five minutes, we’d started talking about art and history, and this little man, whom I’d seen only a moment ago asleep, as Homodei pretended to be in the first act of Angelo, tyrant of Padua, this Spaniard, with a structure so unpoetic in appearance, burst into a babble that nothing could contain.
— Ah, you knew poor Captain Albénitz,” he exclaimed. Hey, touch her, amigo! Since you were my friend’s friend, you’re my friend. Do you know that he was sentenced to death three times, and put in a chapel at least once? Our Bourbons didn’t play around. He escaped five minutes before the execution, by some intervention of the devil. Ah, yes, it must have been a woman. Well, that’s the same thing, isn’t it? Anyway, he escaped and came to France. All the Spaniards you hear about today, all the deputies, all the senators, all the ministers and all the marshals, have had similar fortunes. As for me, he added, rolling the paper of a cigarette between his fingers, I’m sure you’re aware that I was one of the first to be convicted, and very justly so.
And as if to give an idea of the enormity of his crime, Huerta began humming the first verse of his hymn:
Serene, cheerful, etc.
— Well, what do you think?” said Philipon to me in a low voice.
— I think,” I replied, “that Lavater’s system has never been worth anything.
During the same winter, I had the opportunity to see Huerta a dozen times, always in the same house. In the end, we became a close pair of friends.
— Ah,” he said to me one day, “listen to my story. It’s got some pretty good jokes in it. Listen to it; perhaps it will amuse you. Besides, as it’s your job to put black on white, if you feel like it, you can use it. I’ve been told I played a political role. Is that true? My God, yes, I was a musical tribune and a soldier in the Spanish Revolution for a while. I wasn’t serious enough to continue in that job. You have an author (I think it’s La Bruyère) who claims that a musician cannot be a serious man. We have to agree that he was right to observe. I did an aria that turned Spain upside down a hundred times; in it, I celebrated the sublime revolt of the noble Don Raphaël Riégo, my general. This didn’t stop the brilliant soldier from being sold by those who sang the hymn in his ears a year earlier, and strangled in the public square like a highwayman, he, so gallant a man. But what do you expect? I was seventeen when I did my Marseillaise, and at seventeen you’re always full of the devil. At least, that was the custom in my day.
In so saying, Huerta judged himself better than a professional critic ever could. On the face of it, he had had no other passion than that which results from the ardor of youth; he loved movement, noise, pleasure, everything that appears to be life in the eyes of a twenty-year-old imagination. A cry for freedom was heard, and he ran to it; a war song was needed, and he offered himself to a poet friend of his; he improvised in Madrid a joyful, alert, colorful, vibrant piece of music, which, after two days, travelled with magical rapidity throughout insurgent Spain. The same thing had happened in Naples in 1796, at the time of Championnet’s arrival. A poor little musician, who was one day to become the great Domenico Cimarosa, author of Il Matrimonio segreto, drunk with enthusiasm, turned an ode in honor of the Parthenopean Republic into a popular cantata. Cimarosa, too, was condemned to be hanged by the Bourbons of Naples, as Huerta was by the Bourbons of Madrid. Both were lucky enough to avoid the hangman’s noose; and this is one more similarity to note in the bundle of their adventures.
Huerta hardly ever talked about the most notable incidents in his life; it was the happiest or most comic episodes that he dwelt on with the greatest complacency. We shall see, however, that this artist’s existence was strongly mixed with rain and sun, autumn breezes and sleet. When we’d only let him talk for twenty minutes about his travels around the world, he’d suddenly pause as if to say, “Wouldn’t you think you were reading one of the whimsical novels that have been written about my country?”
Huerta was born in 1804 in Orihuela, an important town in the Kingdom of Valencia. When he was growing up, Spain was just emerging from the War of Independence. The land of ten provinces had been sprinkled with the blood of the French. Was the peninsula freer and happier as a result? No, of course not, since Ferdinand VII reigned, a Ferdinand VII whom the history of the time depicts as having brought about the downfall of his father the king, and caused his country a thousand cruel upheavals.[6]It would be difficult to explain to the literary generations of 1865 the hatred aroused in the young hearts of 1830 by the mere name of the King of Spain. In the first pages of Feuilles … Continue reading See how Spain weeps!” cried the divine Arguelles; “Beware, Spain will rise up against you! The divine Arguelles was denounced, arrested, tried and condemned to the Ceuta presidia, as was customary. However, Huerta, like all children from noble families, was brought up at the Cadet College. There, he had to study mathematics, history, some modern languages and military theory, in order to graduate with the epaulette of second lieutenant. The mischievous boy studied only music, but loyally declared that he could never understand anything else. Indeed, he was born a musician, or nobody ever was. A man whose word has some authority on the subject, Rossini, said to him on his last visit to Paris: “When I see you, I think I see an andante. At school, the younger Orihuela wanted to try his hand at the study of plans, geometry and linear drawing. All these efforts were superfluous. Whenever he picked up a pen, all he managed to put down on paper were musical notes. At the age of fifteen or sixteen, when all the instincts of the mind are awakened and a vocation is decided, he excused himself one day from doing his homework to embroider the whims of a fresh melody on a love song one of his classmates had composed:
Dolorès has a fantasy: Dolorès wants to come and dine with me.
Should I serve her sherry or Alcantara wine?
— Cupbearer, prepare the val-de-peñas, the wine that makes women babble, laugh and dance.
Already night spreads its black mantle over the horizon.
My guitar with its neck studded with mother-of-pearl, my guitar from the Moors of Cordoba, what wine should I serve Dolores?
— My master, pour her some val-de-peñas, the wine that advises women to love.
The evening star fades: my crazy Dolores has just pushed open the door.
— Cupbearer, refresh and renew the val-de-peñas: it’s the wine that prevents women from losing their memory.
Another time, the schoolboy composed the music for a second love cantilena; but this one was of infinite delicacy:
When I go to the house
Of my beloved,
The way up
Seems like a road down;
But when I return,
The way that goes down
Seems to me a way that goes up.
Thus launched on the slope of musical composition, there was no reason for him to stop. At the Cadet school, which was rather poorly supervised, there was only mild criticism of his artistic hobbies. They even seemed to assume that Spain, having to recover from the bloody sacrifices required to redeem its nationality, would at this time be in far greater need of sweet songs than of military works. In Aranjuez and Saint-Ildefonse, a libertine and devout king, softened by the pleasures of the alcove and by the practices of a bizarre idolatry, did not hear of too much soldiering in the colleges. The Moorish serenade and the Castilian romance seemed to him far preferable to anything that might have led students to repeat, even from afar, a single stanza of the heroic lament of Harmodius and Aristogiton. It was largely for this reason that we turned a blind eye to the lyrical deviations of a child who had not been sent to school to learn the art of singing love in little cadenced verses.
We are reminded of the words of a minister of Charles X: “Spain is a section of Africa attached to the continent”. A section of Africa all you like, but nothing of interest to Europe was foreign to these generous peoples, almost all of Latin descent. In France, in Germany, in Italy, even in Naples, the word most heard after Waterloo was liberty. Charters were wanted everywhere. “Charters I that our good cousins provide to those who ask them if they like,” said Ferdinand VII, with a form of language that was familiar to him. With these words, the son of Charles IV, in whose name the War of Independence had been fought, was deceiving the minds of all Spaniards, and intended to restore to his country only the regime of the absolute king, without any mitigation. Complaints arose from all sides. The Cortes of Cadiz and even the brave hearts who had taken part in the defense of Saragossa cried out, “Wouldn’t we have been better off keeping King Pepe (Napoleon’s brother)?” The liberating army in particular, made up of a large number of young patriots, could only bear the new state of affairs with an impatience that it did not long take the trouble to conceal. These ferments of opposition were joined by the underground workings of Freemasonry. One morning, feeling strong, the language suddenly changed. What had first been demanded as a grant, was now forcefully claimed as a right of one’s own, as a debt that had fallen due and could no longer be deferred. Ferdinand was at table in his palace, happily seated in front of a plate of grilled quail, when he was informed of an unheard-of event: two of the army’s youngest generals had just surrendered to an inconceivable impulse. After gathering their troops at a single point, they had formed a circle, and, on horseback, sword in hand, a piece of paper in the other, they had read out to the troops a draft Charter, modelled on the 1812 constitution. Who are these two madmen?” asked the king, his mouth full. – Their names are Riégo and Quiroga. — Two good swordsmen, the most charming valets in Spain,” replied Ferdinand, affecting a laugh. — Deep down, he was beginning to worry. Indeed, a few moments away, he could learn from the estafette that this event, which he had initially taken for a scuffle between two mad heads, was taking on the character of a real insurrection, which would need only a spark to become national. Without dispossessing the king, he was turned into a kind of irresponsible joist, placed at the pinnacle of the law. At the same time, the insurgents, forging all the cogs of a constitutional government, convened the cortes of all the provinces. “Will they at least give me time to finish my quail?” said the already troubled king.
Ferdinand VII, who liked to see things through his own eyes, opened a window and looked out over the Place du Palais. He saw unfamiliar groups, necks outstretched, a few men talking. An aguador, laden with buckets of water, passed by a monk without saying hello. Come on,” said the king to himself, who was not lacking in finesse, “this is indeed the revolution moving forward.” Madrid, in fact, already knew the big news: we had heard that the two generals were advancing, Quiroga on one side, Riégo on the other, to the cries of: Long live the constitution! and recruited along the way all those who could be drawn by the love of novelty. After three days, the capital was abuzz with festivities; the liberating army entered in triumph, led by its chiefs, whom the women pelted with laurel branches and flowers from their balconies. As for the king, he laughed and said: “I’ve always wanted what they want. Instead of having priests in the council, I’ll have coalmen and philosophers, and all will be said.”
At the first sound of the trumpet, the Cadet School did what it always does in such circumstances: it broke discipline and climbed the walls. Huerta was seventeen at the time. As he entered Madrid, the city was lit up, and the crowds listened to all the new things that improvised speakers told them from the top of a bollard or on a cart. At every street corner, soldiers embraced each other and were the first to form popular societies. Huerta had no trouble finding his way into the main club, which met at the Puerta del Sol. It was there that he saw and fell in love with a man who was to play a major role in this marvelous revolution. This man was none other than Colonel Évariste San-Miguel, Riego’s aide-de-camp, a respected tribune, a talented journalist, soon to be Minister of Foreign Affairs, and a poet to boot.
— I’m attaching you to the army staff,” said the colonel to the delighted cadet.
And after shaking hands, the musician and the poet agreed to join forces to compose a patriotic hymn. In less than an evening, the work was done. The very next day, there was talk of a martial song, entitled La Marche de Riégo. Soon the new cantata, performed by the music of the regiments stationed in Madrid, electrified the capital. Ferdinand VII, always adept at concealment, would appear on the palace balcony and mark the beat with his hand like a conductor. From then on, these stanzas opened their wasp-like wings and travelled the length and breadth of Spain. In Cádiz, Barcelona, La Coruña, Seville, Cordoba, Granada, Murcia and as far afield as the Balearic Islands, the hymn set everyone on fire. Take a trip beyond the mountains, and you’ll see that, after more than forty years, these lively words are still alive and well. In 1823, they were sung to combat the invasion of the Army of the Faith; they were sung in 1830 when Mina, Valdez and Vigo tried to stir up the Basque provinces; they were sung again at the Granja riot and at the fall of the Count of San-Luis. Whenever the revolution makes a move on the other side of the Pyrenees,Riego’s Hymn is heard as a signal.
The originality of such a song was bound to strike a chord with a nation as new and impressionable as that of the Goths, Moors and Cantabrians. Until Charles IV, the only lyrical poetry known was that of chivalry. From the fall of the Prince of Peace to the first return of Ferdinand VII, those who rebelled against the Napoleonic dynasty sang nothing but litanies of the Virgin, and crossroads laments at best. A national anthem was too profane a war machine for anyone to even contemplate the idea. This state of popular poetry from 1800 to 1820 easily explains why Spain, though so in love with rhythm, had no political song at the time of Riego’s insurrection. Preoccupied as they were with reclaiming their nationality, the people had allowed the very forms of prosody to fall into disuse. If verse was still being written in the language of Cervantes, which was becoming rare, it was love verse, as we saw earlier. In 1813, following the return of the Prince from the Château de Valençay, guitars were played in public squares and tertulias, and verses were sung, but these were generally only elegies or idylls, i.e. weakened echoes of the Romancero. A little later, when a few exalted individuals began conspiring to overthrow the absolute king, laments improvised in the barracks were hummed through the streets. These melodies, it has to be said, were little more than banal invectives of artless prosody, and a delicate ear could admit neither the words nor the music. The story, so interesting when it begins to study the characters in the midst of the small details, takes great care to show General Riégo himself, the soul of the Cabezas insurrection, taking an interest in the execution of these ill-squared poems. On August 31, 1820, after the definitive success of the movement, the general rode into Madrid to the acclaim of the popular societies. He was given a triumphal tour of the city. On this day, he resembled his two predecessors from Rome and Naples, Cola Rienzi and Masaniello, whose heads were eventually turned by the flowers thrown by the women and the cheers of the crowd. To close a tumultuous banquet, Riégo went to the theater, accompanied by a large crowd, and not content with his customary public harangue, he intoned the song Tragala, perro, i.e. Avale-la, chien ! and beat time to lead those who repeated it in chorus. But a few days later, fortunately, the Tragala gave way to a new song, a cantata less crude both in thought and poetic form. Didn’t the France of 1790 see the Carmagnole of the suburbs fall silent at the first sound of the Marseillaise, emerging from the camps of Alsace? At the Porte du Soleil, where the nouvellistes gathered, at the Fontaine-d’Or, where the clubs were held, and even in the Cebada district, Riego’s Hymne, a lively, bold and colorful melody, could be heard, evening and morning, even without harp or guitar accompaniment. From that moment on, the Liberal party found its rallying cry.
If this cantata, whose tone is so well suited to the vivacity of Spanish genius, has any merit, it is not precisely in the poem that we must look for it; but the music is so alert that it carries the listener away with the first movement of the ritornello. With guitars, harps, violins and little flutes, it charms when the bugle is mixed in, it takes you away. If the most sympathetic of instruments, if the human voice is mixed in, on an August night under a starry sky, it becomes irresistible. As far as the poem is concerned, it is without doubt a distant copy of Rouget de Lisle’s song. In composing it, its author did not forget enough that he had learned to read in the history of the French Revolution. Modelling himself on the work of the sub-lieutenant from Strasbourg, he grouped together fifteen couplets of four verses, each with six syllables. Basically, this is about the same number as in the Marseillaise. In the context of the stanzas, the analogy is often pushed to a similarity bordering on servility. Only the first section of the piece has a truly trans-Pyrenean allure.
Merry, cheerful, full of daring, let us sing, soldiers, the hymn of war! Let the earth be moved by our accents; let the world admire in us the sons of the Cid.
But as we descend, we’re reminded, in spite of ourselves, of the much more energetic French March.
Soldiers, the fatherland calls us to battle. Let us swear for her to win or die. Never has the world seen a more noble daring; never has there been a day of greater courage than the one when we were engulfed by the fire that aroused Riego’s love of country.
Rouget de Lisle’s famous verse,
Tremble, tyrants, and you, perfidious ones!
is found almost in its entirety in the Spanish cantata:
Qu’il tremble qu’il trembmble, le méchant, lorsqu’il verra briller la lance du soldat!
Under San-Miguel’s pen, the imprecation is based on a verb repeated up to three times, and this expedient creates a terrible effect: Que tiembe! que tiembe! que tiembe, el malvolo! etc. Judge for yourself the shiver of terror that must have seized the voluptuous Ferdinand, “that moderate Tiberius”, when twenty thousand men’s and women’s voices came to sing these menacing words. Judge for yourself the shiver of fear that must have seized the voluptuous Ferdinand, “this moderate Tiberius”, when twenty thousand voices of men and women came to sing these threatening words under the palace windows. In his childhood, the grandson of Louis XIV had learned that similar preludes had preceded the fall of the French monarchy. Was it any surprise then that a relative of Louis XVI should turn his eyes to the Tuileries to ask for help in putting a stop to the unwelcome noises that were disturbing his sybarite life? Let us add that more than one tragedy had already frightened the calm zones of Madrid’s population: the pavement of the city’s main square had been reddened with the blood of a royalist. The springs of judicial authority, no less lax than the principles of military discipline, were powerless to punish such acts. Epigrams against the prince were even posted on the walls of his home. How could the idea of foreign intervention not have occurred to the distraught son of Charles IV?
From the moment the Hymne de Riégo began to be sung in the streets of Madrid, things took a turn for the worse; the revolutionary program was advancing towards the provinces like a column of fire, apt to spread conflagration. M. de Chateaubriand, a lover of Virgil’s verses even while in power, opened theAeneid to find a section of hexameter about Troy in ashes: Jam proximus ardet, and he took this warning in turn to the Council of Ministers and the tribune of the Chamber of Deputies. On the other hand, the Bayonne telegraph signaled at all hours the mysterious landing of boats protected by the English flag and skilled enough to throw cosmopolitan soldiers and weapons onto the beach, under the noses of customs, quickly collected by friends who sent them on their way to the barracks. Here the metaphor of the wooden horse led by Sinon was continued. “We must intervene”, said Louis XVIII.
In this pen-and-ink sketch, whose sole purpose is, after all, to introduce an artist, a Tyrteus for an hour, I don’t have to follow step by step the various twists and turns of the Spanish war, nor the upheavals of the twice-victorious, twice-defeated revolution. We know the outcome brought about by the capture of the Trocadero. Ferdinand VII, released from the noble captivity of the Cortes, returned to his city, kneeling barefoot, Muslim-style, in the porch of Notre Dame d’Atocha. From that moment on, Riégo’s Hymn fell silent; patriot officers were shot or fled, orators and journalists were sent to the galleys; Riégo himself, handed over by the peasants who had carried him in triumph a year earlier, was condemned to the torture of the garote and died with a look of disenchantment and contempt on the face of such a mobile people.[7]One of today’s most esteemed English novelists, E. Lytton-Bulwer, made his literary debut with a short novel entitled Falkland, in which he tells the touching story of the death of don Rafael … Continue reading What could Huerta do in the midst of such events? The musician had escaped to Gibraltar; from there, he had gone to London, and from London to Paris.
This Paris, which never changes, no matter what anyone says, is intoxicating in every way, especially in winter. For the people of the world, a renowned artist is a jewel with which it has always been de modo to adorn one’s table or living room. What celebration would be complete if the most talked-about musician in Europe were not there, either to play the instrument on which he excels, or to sing? Mme de la Sablière used to say, “I have my dog, my cat, my parrot and my La Fontaine.” From 1824 to 1830, women of the world were keen to show their dazzled circle some Apollonian bouquet, where the poet stood next to the painter, the musician next to the sculptor. Once the revolution had been defeated, Huerta set about becoming a true artist, a composer and singer in one. His youthful voice was ideally suited to the romances of the time, and he became one of the most sought-after soloists. They were not shy about telling their friends, “That beardless Spaniard you see in the corner has been sentenced to death – he’s the author of Riégo’s Hymn.” The Faubourg Saint-Germain itself, silencing its political antipathies from midnight to six in the morning, welcomed this former rebel, now a man of the world, into its hotels; All that was asked of the tenor of the kingdom of Valencia was a few love verses, a poetic reminder of the passage of the Moors through his homeland. In the Faubourg Saint-Honoré, the region of diplomats and Napoleonic aristocracy, Huerta was no less celebrated. He was applauded there alongside his compatriot Garcia and a child, one of the latter’s daughters, who was soon to become the Malibran.[8]There is almost always a strange logic in the combinations of chance; Huerta lived for some time in Paris, in the Chaussée-d’Antin district, in a house where his neighbors were Garcia, … Continue reading They were not praised, they were invited. All three were emerging fans of intimate concerts and balls. — “What hospitality is that of France!” they cried.
Huerta was no longer thinking of stirring up the masses in Madrid’s squares; he was thinking only of living and living well; Paris offered him a thousand ever-increasing resources. Former conspirators, soldiers, tribunes, writers, isolated in our unfamiliar streets, sprinkled their tears, like Dante, on the bitter bread of the foreigner Huerta, always frivolous, came to them all sewn up with on and opened his purse to them – another source of happiness.
— That’s my way of doing politics,” he laughed, “But who will have a mobile mind, if not an artist of this carefree and charming era? On his way from the aristocratic suburbs to the Chaussée d’Antin, everywhere treated like a spoiled child, everywhere asked for more, the former cadet from Orihuela longed for the nomadic life he had always loved above all else. A new Ver-Vert, he asked to leave the sweet retreat where he was beginning to find himself unhappy with too much happiness.
So one day, after one of his triumphs, Huerta imagined that Paris was suffocating him with praise and flowers, and took it into his head to give concerts in the provinces. Garcia and his admirable daughter had made him understand that, from the double point of view of reputation and lucre, an artist can only gain from these excursions, in the midst of which his talent is rejuvenated. — “Well! I’ll be off,” Huerta said to himself, and our fanatic, light in luggage as a troubadour, set off straight for Le Havre-de-Grâce. In those days, this wealthy city, now Yankee in its morals, professed a great fondness for letters and the arts. The Norman town boasted at least three fine minds, Bernardin de Saint-Pierre, whose works were everywhere, and Messrs Casimir Delavigne and Ancelot, two future academicians, and two or three novelists. A theater of modern taste was being built a hundred yards from the sea, in short, Paris was being imitated as much as possible. Huerta turned up and had a beautiful pink poster pasted on the walls, announcing to the inhabitants of the industrious city that he would be giving a concert on an agreed date. Le Havre had read the name of the Spanish musician a hundred times in the Le Pandore and even in the feuilleton of the Constitutionnel. Such a well-known musician, the friend and emulator of Garcia, was taking the trouble to come and be heard in Lower Normandy. Within three hours, tickets had been snapped up with an eagerness akin to enthusiasm.
This same city, which serves as a link between several worlds, has travelers from all over the world lining its quays at all times. On the day fixed by the poster, Huerta was smoking a cigar on the harbour jetty, waiting for the concert. In view of the ocean, was he dreaming of the seas of his Spain, the ports he knew, the beautiful harbor of Cadiz or the rocks of La Coruña? He was dreaming, that’s all; he was silent and grave when he heard himself named in his mother tongue. Four or five Spaniards, majestically wrapped in their light tan colored coats, were pacing the quay to set sail on a ship moored at the Tower of François Ier. They were friends preparing to sail from Le Havre to New York, and from the United States to South America, the magnificent jewel still attached to the Spanish crown at the time.
— Hey Huerta! exclaimed one of them, with that lively yet relaxed attitude which is one of the hallmarks of the breed. Where are you going, Huerta?
— To the theater, where I’m giving a concert to the people of Le Havre in two hours’ time.
The response was a burst of laughter.
Huerta, you’re not giving a concert at Les Havrais.
— Why not? asked the singer.
— Because you’re coming with us to give a concert in New York.
Huerta undertook to refuse. He protested that he wished to remain in France, and above all to give the concert for which the tickets had been cashed. But they didn’t even give him the chance to explain his reasons for refusing; they spoke of America, still a virgin, as they do of El Dorado in a tale by Voltaire. They added, moreover, that since the final rout of the Constitutionalists, the New World had been populated by Spanish outlaws, his erstwhile companions, who would be so happy to hear him sing his hymn, they would weep with joy. Stirring all the strings of feeling in him, one after the other, they ended up shaking his otherwise unresisting will. What can I tell you? Huerta soon embarked with them, and the ship turned its bow towards the horizon, just as the good people of Le Havre were entering the theater to hear the concert. So much for giving the money back.
This adventure, which recalls a curious feature of Bougainville’s life, was not long in coming. In the United States, still Spartans, but wanting nothing better than to become Athenians and even Sybarites, Huerta found at first such a gracious welcome that he consented to go no further. After forty years of harsh political existence, the Union omitted nothing to soften the harshness of its republican habits. Despite the sermons of many a Quaker, access was given to the industry, arts and frivolities of old Europe. Everything conspired to soften hearts. At the same time, in addition to making a deal with the savages and registering a deferment, the country’s merchants, unwilling to materialize to the point of unlearning the language of their fathers, indulged in certain literary pastimes – they bought the novels of Fenimore Cooper; they encouraged the Moorish tales of Washington Irving, that Thomas Moore of the savannahs. A vague instinct for coquetry was beginning to awaken in the pretty, sea-blue-eyed Puritans whose modest charm had so struck the young French officers in the suites of La Fayette and Rochambeau. These ladies subscribed to the Journal des Modes de la Mésangère. Érard pianos and new music were also sent from Paris. In New York, Boston and Philadelphia, Huerta found an audience capable of understanding him and ready to receive him. The singer’s success was not undermined by a single day of uncertainty. Not only did our artist make a name for himself as a soloist, but he also took on a tenor role in a nomadic opera troupe that, for the time being, served New York; he sang Rossini’s first works and was a hit. “Here’s a nightingale from Iberia transported to the Yankees!” said a small local newspaper, for the United States, no longer denying itself any kind of luxury, is already paying for organs of high and low criticism, in imitation of the civilized world.
In this phase of our tourist’s life, there are a few episodes that would not be out of place in either the Roman comique or the adventures of Lazarille de Tormes. Huerta was twenty-three, the age when love speaks to the heart with a sovereign voice, especially in a Spaniard. At New York’s Grand Theatre, the young tenor had naturally fallen in love with the first singer, a primadonna of English origin, brunette, white, with big black eyes shaded by long eyelashes, a lively vignette of Thomas Lawrence. For a child of Spain, being tender and jealous are one and the same thing. Huerta didn’t want anyone other than himself to be near the woman he loved. So he never left her side, and at midnight, when the curtain was down and the audience had left the theater, it was he who, taking the singer under his arm, gallantly led her home through the streets. On a certain autumn night, when a chill wind was blowing through New York, Huerta, who took little care of himself, began, as was his custom, to act as a gentleman’s companion to the lady.
— Why don’t you have your coat?” said the singer with an air of gentle reproach.
— A beautiful thing, a coat,” he replied. How do you expect me to feel cold when I’m with you?
Unfortunately, a madrigal is no guarantee of anything and can lead to pleurisy. Along the way, the September blast hit our gallant in the throat, resulting in a bout of influenza. The next morning, when the tenor woke up and, on the strength of his previous day’s performance, wanted to get back to his roulades and trills, he was faced with a terrible discovery: Huerta had lost his voice.
In such cases, we readily stop at an illusion. When a singer in the limelight is stricken when he least expects it; when it is well proven to him that when he opens his mouth, he can no longer articulate either strophes or andantes, he first says to himself “Well! my voice will come back tomorrow,” and this tomorrow, like the one mentioned by Martial, is often made to wait all night long. However saddened he was by such a fatal event, Huerta did not seek to fall asleep in a state of vague credulity. In a single night, he’d lost his voice, his livelihood, his talent as a singer, his fame as an artist, and no doubt also the tenderness of the singer, since love doesn’t like decline or defeat of any kind. But it didn’t matter to the former Orihuela cadet. Taking things as a resolute man, he began by rejecting the illusion of a distant hope. He said to himself, “It’s a question of courage. I no longer have the singer’s instrument; well, let’s see about giving us another way of making a living.” Yet it’s hard to believe that the “aftermath” of that fateful night didn’t fill his heart with bitterness. Does one give up without regret being the most applauded man and favorite singer in a rich and elegant city?
It was therefore urgent to make a decision, but where to stop? The artist looked at his fine white hands, with their aristocratic dimples. Could these hands be softened to the demands of a professional trade, or even to holding a copyist’s pen? He thought not. Small in stature, fastidious in dress, accustomed to all the delicacies of worldly life, having never obeyed anything but the impulse of his whims, any discipline would have killed him after a month, not to mention made him a poor workman or the most detestable of office workers. What’s more, if his voice suddenly failed him, he was nonetheless gifted with a powerful musical organization.
— I can’t be a tenor anymore,” he said, “so I’ll be an instrumentalist!
At this point, embarrassment reared its ugly head again. Which instrument should he give preference to? He had thought of the flute, but in today’s musical art, the flute is only accepted as an accompaniment, and he could only play alone. He also thought of the harp, which would undoubtedly have been a great success in North America, a region populated by austere Bible-reading families; but King David’s instrument was a very solemn utensil for a man of his character. Finally, Huerta, so unaccustomed to the work of thought, said to himself:
— I won’t always be living among the Yankees. At some point I’ll have to go south to the New World, to Havana and Lima, or return to my beautiful homeland in the Kingdom of Valencia.
Then, dazzled by a sudden idea like Archimedes, he began to clap his hands, saying to himself
— That’s my business! I choose the guitar.
You don’t become poor all of a sudden. As a celebrated artist, he possessed, as a leftover from his splendors of the previous day, some fifty dollars misplaced at the bottom of a drawer. With these savings, he paid his hotel three months in advance, bought a guitar and locked himself in his room. With no master and no method, he studied by instinct. To condemn himself to absolute diligence, he came up with a rather original expedient, albeit one borrowed from the Greeks. Our hero had not read Plutarch, nor the life of Demosthenes. However, through a natural ingenuity, he imitated the Athenian prince of orators, who wanted to improve himself through study. Like him, he shaved half his head and face, not even sparing his eyebrows.[9]The history of the nineteenth century provides us with another similar trait, an episode linked to Géricault’s finest work. After conceiving the idea for The Raft of the Medusa, the … Continue reading In condemning himself to this strange ablation, he said to himself, “I won’t go out until I’m first-rate on the guitar.” If ever there was a heroic sacrifice, it was this immolation of a young, beloved, pampered, ladylike singer who temporarily mutilated himself in order to devote himself entirely to art.
And so, for a quarter of a year, Huerta, walled up in his cenoby, suddenly disappeared from the world. New York, misunderstanding the causes of this sudden eclipse of a fashionable artist, said to itself: “Seeing that he had lost his voice forever, the tenor set sail clandestinely to die of grief in Europe.” Three months passed. One morning, the recluse looked in the mirror — his hair, beard and eyebrows had grown back. A whole new talent had come to him.
— I’m the world’s first guitarist”, Huerta exclaimed, and he didn’t flatter himself.
Imagine the surprise in New York! One day, a poster was plastered all over the city, announcing that the little Spanish tenor, thought to be fugitive or dead, was suddenly resurrected to give a concert composed entirely of guitar pieces. At the concert, astonishment was redoubled when it was discovered that the singer’s guitar included all the instruments – harp, flute, violin, oboe, trumpet, drum and even cymbals. Note, indeed, that there is no hyperbole in this enumeration. A little later, Paris, London, Vienna and Madrid witnessed the same prodigy.
People cried miracle, and with good reason. The good times returned. Huerta gave fruitful concerts. However, carried away once again by his taste for travel, he set off, touring the main states of the Union with his guitar under his arm. This was how the new Orpheus, half traveler, half musician, advanced towards New Orleans, pursuing the savage tribes by the same paths trodden twenty-five years before him by the author of Atala and Natchez.
Everyone remembers the words of old Plautus, from which The Wise Man has already made his profit in Gil Blas: “Men like to chat on the road.” Huerta soon found that solitude was a heavy burden to bear. One day, on the Delaware side, at the bend of a maple wood, he met a small caravan: a French painter, his young daughter in a straw hat, and two blacks who served as their guides and servants. Between artists, the preliminaries of friendship are neither long in coming, nor accompanied by ceremony. That same evening, our guitar player, joining the little troupe, went down with his new companions to a village inn. We sat down together and chatted. The French painter was a rather poor pupil of Louis David, somewhat compromised by his revolts against the Bourbons of France as he himself was by his actions against the Bourbons of Spain. To avoid prison, he had fled to America, where he was seeking his fortune in portrait painting. The evening was not over when they agreed to form an association between them, indissoluble and eternal, of course, like all associations that begin. While one would continue to paint portraits of Union citizens, the other would give concerts, and from the two products a common mass would be formed. This itinerant Van Dyck did indeed work to the best of his ability; it wasn’t his fault that his portraits weren’t masterpieces and that the Yankees didn’t pay them very generously. As for Huerta, it was always the same joy. The musician dropped gold from his guitar. At the end of nine months, even though we were living quite comfortably, as artists fond of good music, we had in the till a sum of nearly 20,000 francs, a very pretty penny for the country and for the time. Judge how it must have felt for two Bohemians who had never had anything but the devil at the bottom of their purse! Huerta was already giving himself the air of a serious man.
— Two more campaigns like this one, he told the portrait painter, “and we’ll be able to buy a sugar refinery or a cotton mill.
Perhaps the musician, ironic to himself, overemphasized the importance of their fortune. One thing is certain: one day, as they were traveling through Virginia, the guitarist humming a tune from his homeland while they retired to their rooms, the painter suddenly assumed the figure of a dreamy man. Huerta asked himself, “What’s he thinking?” but the former Cortes army officer had far too much loyalty in his mind to dwell long on such a question, which was imbued with a feeling of mistrust, and he fell asleep. The next day, at daybreak, our troubadour arose, cheerful as usual, and was quite astonished, just as the bell announced breakfast time, not to see his friend or his daughter coming to him. In a few words, the mistress of the inn informed him of what had just happened. He learned from her that, using a reason to leave at once, they had presented him, Huerta, as a poor wretch whom they had pitied up to that point, and whom they did not want to leave destitute. To this end, they had deposited a sum of twenty dollars, intended to cover his expenses, in the hands of the excellent woman. — Huerta saw that he was a robbed man. — Anyone else would have grumbled. The musician, becoming a philosopher, didn’t want to worry about black blood. Accustomed to seeing that life is mixed with good and evil, he made the most of the twenty dollars, tucked his guitar and suitcase under his arm, and turned back. He no longer felt strong enough to follow the same path as those who had just deceived him. Better still, once on the road, to console himself, he said to himself:
— There’s not so much to shout about. In the first place, the French painter was entitled to half of the mass he took away; in the second place, the rest of the sum will not be superfluous to make a dowry for his daughter.
And he thought no more about this incident.
Nevertheless, this adventure, combined with the disappointment of New York, had unknowingly disgusted him with the United States. On the first day, he boarded a merchant ship bound for Cuba, and disembarked in Havana, the queen of the West Indies, the most beautiful pearl in the Spanish crown. It’s worth explaining here that, however unkind he may have been to the exalted, King Ferdinand VII was quite tolerant of them when they appeared elsewhere than on the European continent. They were free to live in South America, as long as they didn’t get involved in politics. Huerta was well aware of this circumstance, and took advantage of it. So he entered the port and lived on the island without being bothered. What’s more, he gave concerts that were well attended. The Governor General himself came to see him.
— If, instead of being in Madrid, the Grand Inquisitor were in Cuba, he’d come and applaud me too,” said Huerta with his usual insouciance.
It didn’t take long for the rich Creoles to fill the guitarist’s purse. Unfortunately, he was one of those people who couldn’t stand still. Despite the warm welcome he received in Cuba, the artist didn’t feel comfortable there, so he set sail again for London.
This was during the last days of the Restoration. At that time, if we may recall, Spanish emigration had chosen the capital of the Trois-Royaumes as its asylum. Generals who had escaped the justice of the councils of war, orators who had been on the verge of being put in the chapel, had retired to this aristocratic and hospitable city, keeping their eyes on the coasts of the peninsula. When the young musician appeared in their midst, rosy, smiling, dressed with a certain search, he was able to understand that the bitter cup of exile could not be gaily videoed by everyone. A former cavalry general, ex-minister of war, was forced to give riding lessons for a living. An elegant tribune was teaching the little misses to draw Don Quixote in the text, at the rate of five schellings per lesson. Many others had taken up manual jobs, having learned from childhood how to live the idle, free life of Madrid. He met many others, covered in coats with holes in them, who had no resources of their own. For the moment, this mind so light that nothing could make it serious for five minutes at a time, made an effort on itself and was moved by a fraternal pity. “Feeding breadless brothers is a sacred duty that falls to me and from which I do not shirk,” he said to himself. Huerta thought and acted like a man with a heart, and this is the most beautiful page of his life.
Around the same time, on the eve of 1830, the guitar, now disdained to the point of neglect, was not yet in disfavor anywhere, not even in England. Among our neighbors and ourselves, the painters of the new school made this instrument the obligatory attribute of love scenes. Just think of the drawings by Achille Dévéria and the beautiful vignettes by the two Johannots. Our poets embroidered verses’ to give more force to this synchronism, and the author of the Chants du Crépuscule used to put the word guitar at the head of his songs. So it wasn’t so strange to see a Spanish musician attract the British beau monde to a concert composed entirely of guitar pieces. In any case, the Spaniard’s prodigious talent would have saved him from failure. H gave musical matinees, and it was a shower of guineas for him; he also gave lessons to fashionable young ladies and even to the ladies of the court; it was another fine harvest of bank-notes which he then distributed with laughter to the poor hidalgos, his friends in exile. His reputation was high, and like Madame Pasta, like his friend and compatriot Garcia, and like Madame Vigano, our Huerta played his part in the presence of the flower of the English oligarchy. This can be seen in this passage from an article Mistress Norton wrote about an evening given by the Duchess of Kent, which contains a paragraph that confirms the accuracy of our assertions. “After Garcia had sung his terrible and beautiful romance: Yo que soy contrabandista, Huerta was presented with a guitar. It’s not an instrument for him; it’s a friend, a companion; he talks to it and it talks back; he holds it to press it against his heart; he loves it, he adores it; I’d say he marries it, if he were less passionate. After that, don’t ask me how Huerta plays the guitar.”
In London, Huerta led the life of a sybarite; but, who doesn’t know? one soon tires of sleeping on roses and making existence a feast. A sort of French nostalgia suddenly seized the artist. In truth, the July Revolution had just stirred Europe and once again drawn the world’s attention to Paris. Those of Riego’s old friends who were in the city, imagining that the new order would undo the work of the Restoration on the outside as it had just overthrown it in three days on the inside, formed committees to which all the knights errant of the 1812 constitution were invited to join. Three constitutional generals, resident in and around Bayonne, organized an insurrectionary junta, and these were the most famous: Mina, Valdez and Vigo. Soon a former liberal cabecilla, Yauraguy, known as El Pastor, famous in the War of Independence against Napoleon, came to take orders from them; but the nascent power of the younger branch did not intend to be so quickly entangled with the crowned heads of Spain. Between Ferdinand VII and Louis-Philippe d’Orléans, both Bourbons and both allied with princesses of Naples, there was a kinship which naturally contributed to making the citizen-king unsympathetic to the insurgents’ attempt. The small revolutionary troop was therefore disarmed on the Spanish border by order of General Sébastiani. It seems that old Mina cried with rage. We learned almost at the same time that Colonel Torrijos, arriving from England via Gibraltar with twenty-one of his friends, had fallen into an ambush by royal soldiers and had been put to death, he being the twenty-first. It was hardly time to start playing Riégo’s Hymn again.
Huerta returned to Paris with his ears turned down and his eyes saddened. So many friends dead or proscribed! In the streets of the big city, he encountered the same misfortunes he had rescued on the pavement of London. His forehead would flush red, and he would say to his guitar, as Rodrigue de Bivar spoke to his sword, “Come on, it’s enough to give bread to all these wretches! So, the very next day, he was back to giving concerts and appearing in the salons.
Huerta, moreover, was treated like a spoiled child by the beau monde. An elite woman with a delicate mind and an excellent heart, the Countess Merlin, Spanish by birth like his friend La Malibran, brought together all the luminaries of the arts at her home. It was a neutral place where one could forget for a moment political quarrels, the most unfruitful of all disputes; all one had to do was listen to the best music being made in Europe and talk about theater and literature. Huerta was very successful in this circle, both because of his marvellous talent on the guitar and because of the childlike frankness of his character. In those days, M. Victor Hugo had just had the triple success of Marion Delorme, Notre-Dame de Paris and Feuilles d’automne, and, delighted at the sight of the little Spaniard, he threw ten beautiful unpublished verses on the musician’s album. Another friend of the house,Mme Émile de Girardin, who had not yet abandoned the lyric form for the bourgeois novel and the chat, imitated the poet of the Orientales, and Huerta was justifiably proud of these expressions of sympathy.[10]Here are some of the verses written for our musician by Madame Émile de Girardin: His guitar, vibrating, speaks to you in turn The language of spirit, the language of love. Everyone … Continue reading In the world of artists, he was then, as I said, linked with the spiritual inventor of the illustrated newspaper in France, with Charles Philipon, who, accompanied by Balzac on the one hand, and Grandville, Gavarni and Daumier on the other, launched, while playing, under the throne of the July king, that terrible firebrand known as Caricature. Another very curious peculiarity of contemporary history. In those days, when Armand Marrast, editor-in-chief of the Tribune, was serving a six-month prison sentence for press offenses at Sainte-Pélagie, Huerta went to see him, his guitar under his arm, and gave him lessons in his cell. – Armand Marrast was one of my best pupils’, Huerta said. What’s more, the episode caused quite a stir, and a satirical newspaper, the Figaro of the day, which defended the court, exclaimed: “Look at these Republicans, these hearts of bronze, preaching their chimeras while strumming their guitars and singing Spanish romances to the stars!
Ferdinand VII died not long afterwards, and, if historical accounts are to be believed, he died twice, since, under the effects of a lethargic sleep, he remained motionless for twenty-four hours after an attack of gout. “Ah! it was only a false exit!” cried the king himself, who liked to laugh. He had escaped, but not for long. Everyone knows that he took advantage of the respite to draw up his famous will, by which, sponging on the Salic law, he named his daughter Isabella II queen in defiance of the rights and claims of his brother don Carlos. Once the deed was done, he died for good. The small palace revolution that followed his death became the signal for a movement in favor of the constitutionalists. On the advice of her friends, the Queen Regent, wishing to counterbalance the influence of the absolutist party, promulgated a general amnesty. All proscribed liberals were able to return. All the exiles returned to the Peninsula, singing Riego’s Hymn.
Thus this political romance of a schoolboy was once again becoming the prelude to one of those strange events by which the capricious mood of Fortune manifests itself. Martinez de la Rosa was about to move to the Ministry of the Interior, and the moment was not far off when General Evariste San Miguel, the author of the hymn’s lyrics and Huerta’s collaborator, would be appointed commander of the Madrid National Guard. Like all “sons of the Cid”, our musician wanted to see again as soon as possible the beautiful skies of his homeland, and Granada, Cordoba and Valencia; so he set off joyfully, but almost as light on money as Gil Blas at the moment he enters the world.
From the day the revolution of 1821 was installed in the Aranjuez palace, right next to the throne, Riego’s Hymn lost its value as an instrument of political opposition, and today is no more than a worm-eaten piece to be left lying around in the bric-a-brac of history. From that moment on, Huerta’s political role, so ephemeral and self-effacing, was finished forever. Fortunately, the artist remains. The guitar player, like Anacreon to the tyrant of Samos, is always light, charming, frivolous, never saying or doing anything serious. In 1835, he revisited Spain; he shook hands with twenty-seven ex-death row prisoners, who are either ministers, senators, prefects, generals, or journalists directing with their pens all the forces of public opinion beyond the Pyrenees. For him, disinterested in sharing the budget, he never ceased to be the poor singer of the day before. — Couldn’t he be made the Queen’s titular musician?” asked a voice that might well have been that of the divine Arguelles.
— “The palace would be too big a cage for a nightingale like me,” replied the guitarist hastily.
And, indeed, off he went again, traveling the roads of Europe one by one.
Huerta then visited Germany, where he was showered with gold snuffboxes and cords by all the sovereigns of the German Confederation. Some chancellery historiographers who thought they’d found a musical Brutus in him couldn’t believe their eyes; they stubbornly sought in the carefree artist the flame of a political passion, and saw only the love of art and the intoxication of pleasure. Satiated with caresses on the banks of the Rhine, he descended from the Tyrol to Italy. This other Peninsula was then full of Carbonari, Freemasons and rebels; Huerta did not dwell on their mysteries; he had only one concern, he wanted to spend his life as madly as he could; consequently, he went to Rome. In the Eternal City, which was very stale at the time, Pope Gregory XVI, of happy memory, the same Pope who was so fond of M. Paul de Kock’s popular novels and small fried fish, this Pope about whom so many satires have been written, was easily charmed by Orihuela’s Orpheus, and laughingly gave him a commander’s cross from one of his orders. I’ve got enough ribbons to cover my whole chest, but I haven’t bought a single one. And as he was due to give a concert at the Théâtre-Italien, a musical celebration which the Empress had wanted to pay for, one of his old friends said to him:
— My poor boy, quickly take a hundred and fifty francs from your savings, go to the Palais-Royal, to the goldsmiths’ gallery, and hurry up and buy yourself a commander’s plaque so that your public doesn’t confuse you with the musicastres of the day.
Huerta took the advice, but he was in no hurry.
In the long run, while he lived like a nomad, the years came and went, and one by one, his chances of fortune dwindled away. Isn’t that the custom? Right now, Huerta has less money in his pocket than an Asturian mule driver. But he’s accustomed to saying, like the savetier in the fable, “Every day brings its own bread,” and that’s always been enough for him. Nevertheless, in 1845, he had the whim to visit Portugal, rightly thinking that he would be well received in a country where the guitar has been in honor ever since the Camoëns begged for its sound. So the calculation was not a bad one. In six months, in such a rich land, Huerta had been able to set aside 10,000 francs in gold. Following the custom of old-blooded Spaniards, he carried his wealth with him, in a wide red morocco belt. As he counted his savings, he said to himself:
— Well, I’m going back to the kingdom of Valencia, where one lives so well on an onion, a fig, a sip of living water and a bit of burnt tobacco! What beautiful days I’m going to lead, in the midst of laziness and music!
At the same time, he climbed into a sedan to cross the Lusitanian border: Tras los montes. He chatted, he sang, he cheered up his neighbors. Then, at a narrow denié, of which there are hundreds in this region, the mules hurriedly waved their bells and ribbons. Twenty-five rifle barrels are trained on the crew.
— What’s the matter?” asked the astonished musician.
— Lords of the high road,” replied the postilion, who may have been in agreement with the bandits.
A young nun had fainted while reciting her rosary. A Russian count had hastily dismounted and was trying to save himself. Immediately fired upon, he was shot in the leg and fell.
— Hand over all your gold and silver, and throw your heads to the ground!
At this command, the other travelers grimaced; Huerta willingly handed over his little treasure.
— “You’re so nice, we’ll leave you that ring you wear on your finger,” said one of the thieves.
They left, and the guitarist returned to Spain as best he could, recapitulating in his mind that he had already tried three times to make his fortune, and that three times fate had bitterly mocked him.
The whole affair caused quite a stir. The Russian complained, so did the nun, and the newspapers lamented the musician’s misfortune. A month after this scene, as Huerta, introduced to Saint-Ildefonse by his friends, was granted an audience with Isabella II, the young queen said to him familiarly, using the tutoiement that is part of the privileges of her rank:
— Ah, I know your story, Huerta: you were robbed of your douros by Portuguese thieves.
— It’s true, Your Majesty.
— Well, we’ll try to give you back what was taken from you.
A few days later, in fact, the musician was appointed guittarero de la camara, a very slim sinecure, a title that pays about 5,000 reals a year.
Huerta may have a position at court, but he doesn’t change for that; he gives in to his innate penchant for the hazards of the wandering life. However, he was no longer young, and it was time he found shelter. In the winter of 1861, as I have already mentioned, he organized a concert sponsored by high patrons. At the end of the evening, he was paid a handsome sum. Rossini, who loved him but had given up advising him, told him:
— “Within eight days, you’ll have nothing left of that gold”. And the illustrious author of William Tell, so literate, as we know, reminded him of the admirable fable in which Schiller has the sovereign of the gods divide up the earth. Everyone gets a share, the soldier, the sailor, the merchant – only the poet has nothing. “You have nothing,” says Jupiter, “but whenever you call me, I will come to you and open the gates of heaven. Rossini added: “Huerta, here is your wealth.”
On entering Madrid, for the fifth or sixth time, Huerta went to the Queen’s palace, where he saw his old friend Évariste San Miguel, whom Isabella II had appointed Captain General of the Halberdiers, i.e. Marshal of the Palace, die, laden with years and crowned with tributes. And even the princess, who met the little man, said to him with as much benevolence as finesse:
— Here’s one of the signs of the times: I’ll have a poet and a musician with me in this palace, the two authors of a song that made my father lose his crown for a while.
Huerta has composed a great deal of music, romances, quadrilles, boleros, nocturnes, all of which testify to a fresh imagination; but, when all is said and done, the instrumentalist wins out over the composer. This is what led Rossini to say: “He makes the music of a warbler; but after him, only what remains of the warbler will remain. A very gentle and very true criticism from a man of genius, which the history of art must record.
PHILIBERT AUDEBRAND.
References
↑1 | II serait difficile de faire comprendre aux générations littéraires de 1865 le mouvement de haine que taisait naître dans les jeunes cœurs de 1830 le seul nom du roi d’Espagne. Aux premières pages des Feuilles d’Automne, Victor Hugo marquait ce Bourbon maudit d’un fer rouge. Vingt pièces de théâtre le faisaient voir comme le corrupteur le plus insigne de la morale publique. La presse satirique, écho de l’opinion européenne, ne lui donnait pas un moment de repos. Enfin deux poëtes, aujourd’hui rentes par la cassette du prince, Barthélemy et Méry, l’attachaient au poteau de Némésis pour le flageller publiquement :
Voilà le roi chrétien que sa mère appelait : « Ferdinand, cœur de tigre et tête de mulet. » Et dans la même satire, allant de Madrid à Lisbonne, ils s’écriaient : Miguel de Portugal et Ferdinand d’Espagne, On chercherait en vain vos égaux dans un bague ! |
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↑2 | Un des romanciers les plus estimés de l’Angleterre actuelle, E. Lytton-Bulwer, a debuté en littérature par un petit roman, intitulé Falkland dans lequel il raconte d’une manière touchante la mort de don Rafaël Riégo. En oligarque passionné pour la liberté mais qui n’aime pas le peuple, l’auteur a bien soin de rappeler que tes masses imbéciles on égoïstes laissent toujours tuer ou leurs Gracques, ou leurs chefs ou leurs prophètes. « Il chantait l’Hymne de Riego, dit-il, les vers que le peuple avait chantés en chœur, six mois auparavant, mais le peuple les avait vite désappris. » |
↑3 | II y a presque toujours une étrange logique dans les combinaisons du hasard ; Huerta a habité pendant quelque temps à Paris, dans le quartier de la Chaussée-d’Antin, une maison où il avait pour voisins Garcia, Mme Malibran et Mme Viardot-Garcia, ses deux filles. Les deux futures cantatrices, encore fort jeunes, comme on peut le voir, prenaient plaisir à jouer avec un enfant du concierge, garçon à la mine espiègle. Cet enfant qui, dès son entrée dans la vie, touchait déjà à la vie d’artiste, à ses misères et à sa gloire, n’était autre que Henry Murger, le futur auteur des Scènes de la vie de Bohéme. |
↑4 | L’histoire de notre dix-neuvième siècle fournit un autre trait de même nature ; c’est un épisode qui se rattache à la plus belle œuvre de Géricault. Après avoir conçu l’idée du Radeau de la Méduse, le peintre se rasa et se coupa de même les sourcils, afin de demeurer quarante jours dans son atelier, tout entier à l’incubation de sa pensée. Au reste, quand on se promène dans les galeries du Louvre, auprès du prodigieux tableau, on devine aisément que l’esprit vigoureux qui avait conçu ces scènes terribles n’avait pas dû en interrompre un instant l’exécution. |
↑5 | Voici quelques uns des vers faits pour notre musicien par Mme Émile de Girardin:
Sa guitare, en vibrant, vous parle tour à tour Le langage d’esprit, le langage d’amour. Chacun y reconnait l’instrument qui l’inspire. Pour le compositeur c’est un orchestre entier, C’est le tambour léger pour le Basque en délire, C’est le clairon pour le guerrier, Pour le poëte c’est la lyre ! |
↑6 | It would be difficult to explain to the literary generations of 1865 the hatred aroused in the young hearts of 1830 by the mere name of the King of Spain. In the first pages of Feuilles d’Automne, Victor Hugo branded this accursed Bourbon with a red-hot iron. Twenty plays portrayed him as the most egregious corrupter of public morality. The satirical press, echoing European opinion, never gave him a moment’s rest. Finally, two poets, Barthélemy and Méry, who were now paid by the prince’s coffers, tied him to the pole of Némésis to publicly scourge him:
This is the Christian king his mother called: “Ferdinand, heart of a tiger and head of a mule”. And in the same satire, going from Madrid to Lisbon, they exclaimed: Miguel of Portugal and Ferdinand of Spain, We’d look in vain for your equals in a ring! |
↑7 | One of today’s most esteemed English novelists, E. Lytton-Bulwer, made his literary debut with a short novel entitled Falkland, in which he tells the touching story of the death of don Rafael Riégo. As an oligarch with a passion for freedom but no love for the people, the author is careful to point out that your imbecilic or selfish masses always let either their Gracques, their leaders or their prophets be killed. He sang Riego’s Hymn,” he says, “the verses that the people had sung in chorus six months earlier, but the people had quickly unlearned them. |
↑8 | There is almost always a strange logic in the combinations of chance; Huerta lived for some time in Paris, in the Chaussée-d’Antin district, in a house where his neighbors were Garcia, Mme Malibran and Mme Viardot-Garcia, his two daughters. The two future singers, still very young as you can see, enjoyed playing with one of the concierge’s children, a mischievous-looking boy. This child, who was already experiencing the life of an artist, its miseries and its glory, was none other than Henry Murger, the future author of Scènes de la vie de Bohéme. |
↑9 | The history of the nineteenth century provides us with another similar trait, an episode linked to Géricault’s finest work. After conceiving the idea for The Raft of the Medusa, the painter shaved and trimmed his eyebrows, so as to remain in his studio for forty days, incubating his thoughts. In fact, when you walk through the galleries of the Louvre, next to the prodigious painting, you can easily guess that the vigorous mind that had conceived these terrible scenes must not have interrupted their execution for a moment. |
↑10 | Here are some of the verses written for our musician by Madame Émile de Girardin:
His guitar, vibrating, speaks to you in turn The language of spirit, the language of love. Everyone recognizes the instrument that inspires them. For the composer, it’s an entire orchestra, It’s the light drum for the delirious Basque, It’s the bugle for the warrior, For the poet it’s the lyre! |
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